Le passing quand on est non binaire

Qu’est-ce que le passing ?

« Avoir un passing », c’est le fait d’être identifié·e et reconnu·e (par la société, ses proches et / ou soi-même) comme appartenant à un genre social, une classe sociale, une race sociale, etc.

C’est donc un concept social qui touche aux normes culturelles, aux représentations que l’on a de ce que sont les hommes et les femmes – dans le cas qui nous intéresse ici.

La question du passing masculin et féminin représente un enjeu et une problématique cruciale pour la sécurité des hommes et des femmes trans, car il leur permet de réduire la dysphorie et de se protéger des violences transphobes (on parle alors de cispassing, passer pour cisgenre). Cependant, la question se pose différemment pour les personnes non binaires cherchant un moyen de transitionner au-delà ou hors de ces concepts (voir notre article introductif sur la non-binarité).

L’imaginaire occidental peine encore à se passer de cette bicatégorisation homme / femme, dans la vie de tous les jours comme à l’échelle plus institutionnelle. Cet article n’a pas la prétention de révolutionner cela à lui seul : il s’agira plutôt de mettre à disposition un ensemble de réflexions et de témoignages issus de l’expérience de personnes non binaires face à cet état de fait. Le but de cet article est donner une idée réaliste des difficultés rencontrées et des possibilités explorables si l’on souhaite transitionner vers un genre non binaire.

L’androgynie 

Idées reçues

Les personnes qui découvrent pour la première fois ce qu’est la non-binarité s’imaginent souvent que les personnes non binaires doivent avoir un physique androgyne. C’est une idée reçue car cela suppose déjà une conception binaire de ce à quoi devrait ressembler un homme ou une femme, et c’est sur ces stéréotypes de genre que s’appuie l’androgynie dans une société donné à un instant donné. De plus, toutes les personnes non binaires ne désirent pas un passing androgyne.

💡 Attention à ne pas véhiculer de stéréotypes, en particulier quand on essaie d’introduire un personnage non binaire ou que l’on aborde la question plus générale de la non-binarité : toutes les personnes non binaires ne sont pas androgynes, blanches, grandes, filiformes, vêtues d’habits chics, etc. À l’inverse, les personnes correspondant à cette description ne sont pas forcément non binaires ou trans.

Androgynies au pluriel

Cela étant, il est vrai que la recherche d’un passing androgyne peut être un but et une source d’euphorie pour certaines personnes non binaires. Il n’est cependant pas possible de donner de conseils généraux sur comment l’atteindre. En effet, l’androgynie recouvre un ensemble de conditions et de possibilités qui dépendent des personnes, du contexte, de la culture de chacun·e. Vous êtes la personne la plus à-même de décider ce qui peut vous permettre d’être plus androgyne, selon vos critères. Quoi qu’il en soit, il est possible de piocher dans les articles du Wiki Trans en fonction de ce que vous voulez. Les explications et conseils fonctionnent que l’on soit non binaire ou pas et quel que soit son genre assigné.

« Pour l’orthophonie, c’est en parlant avec des copines que j’ai réalisé que je pouvais aussi en faire pour moi, que ce soit pour rendre ma voix plus grave ou plus la féminiser si je n’aimais pas le résultat de la testo[stérone]. »

Zeph

L’injonction impossible au passing non binaire

Si déclencher de la confusion grâce à une apparence « ambiguë » peut parfois être considéré comme résultant d’un « passing non binaire », l’assignation à un genre binaire par les autres reste inévitable. En effet, la société occidentale ne pense jamais au-delà de deux genres ; malgré la confusion qu’une personne peut créer avec son apparence, elle finira systématiquement par être appelée « monsieur » ou « madame ». À l’inverse, les personnes au courant de la non-binarité d’une personne et vraiment respectueuses de celle-ci n’auront que faire de son apparence.

L’injonction à l’androgynie peut donc ne pas toujours apporter la reconnaissance voulue. À vous d’explorer votre expression de genre jusqu’à trouver un point de confort tout en vous libérant des injonctions.

Vous pouvez trouver des modèles de personnalités publiques ouvertement non binaires dans le trombinoscope du Wiki Trans.

Un « traitement hormonal non binaire » ?

On croise parfois l’expression « traitement hormonal substitutif (THS) non binaire » qui correspondrait à des traitements hormonaux qui visent à androgyniser une personne :

  • Le microdosage (c’est-à-dire un THS dont les effets qui arrivent plus lentement).
  • L’arrêt du THS après un certain temps (certains effets sont irréversibles : la voix, le développement mammaire ou la pilosité restent ; d’autres sont réversibles : après arrêt du THS, les graisses se répartissent comme avant le traitement).
  • Plus rarement, les SERM (specific estrogen-receptor modulators) ou les SARM (specific androgen-receptor modulators). Ce sont des THS permettant respectivement de féminiser sans avoir de pousse de poitrine et de masculiniser sans développer de pilosité.

⚠️ Attention : les SERM et les SARM sont des traitements encore très expérimentaux, quasiment introuvables en Europe.

L’utilisation de l’expression « THS non binaire » est discutable car :

  • des hommes et femmes trans binaires peuvent avoir recours au THS microdosé, pour ne pas avoir les effets trop rapidement par exemple ;
  • des personnes non binaires ont aussi parfois recours à un THS dit « binaire » en fonction de leurs besoins ;
  • l’expression laisse entendre qu’il n’existerait qu’une seule transition hormonale possible quand on est non binaire – ce qui est faux. De plus, la prise d’hormones est une possibilité, pas une obligation.

Pour toutes ces raisons, nous n’employons pas cette terminologie. Vous trouverez néanmoins les informations relatives au microdosage et à l’arrêt du THS dans les dossiers Effets d’un traitement hormonal masculinisant et Effets d’un traitement hormonal féminisant.

Liens externes

Voici des vidéos de personnes non binaires ayant arrêté un THM après un certain temps :

Voici des vidéos de personnes non binaires ayant arrêté un THF après un certain temps :

🚧 Cette partie manque de ressources, contactez-nous !

Voici des vidéos de personnes non-binaires ayant eu recours au microdosage :

Les coming out

On ne peut donc pas deviner la non-binarité d’une personne d’après sa seule apparence. Ainsi, la visibilité des personnes non binaires passe avant tout par des actes de transition sociale (coming out et parfois, l’utilisation publique de néopronoms, accords neutres ou alternés).

« Je sais que je ne suis pas près d’arrêter de dire que je suis non binaire. Parce que sinon on me prend pour une meuf cis ou un mec trans, et ce n’est pas quelque chose qui me satisfait. »

Cælus

Cela implique à l’heure actuelle de voir constamment ce sujet revenir au quotidien (que l’on soit out depuis plusieurs années ou au début de sa transition). Les personnes non binaires doivent se demander à répétition quand et à qui parler de leur non-binarité, prendre en compte les risques de rejet et le degré de proximité avec les personnes, évaluer si cela vaut la peine de corriger les autres lors d’interactions quotidiennes (dans les commerces par exemple, ou lorsqu’une personne au courant n’arrive pas à les genrer correctement par manque d’habitude).

💡 Voir notre article « Comment parler d’une personne non binaire ? »

« J’encaisse déjà beaucoup trop de choses dans le cadre familial, j’ai mis un peu de temps avant de me sentir bien d’avoir mis sur [les réseaux sociaux] que je suis non binaire. »

Noor

Lorsque l’on entreprend une transition vers un genre non binaire, il semble donc que des compromis soient obligatoires entre : d’un côté, la nécessité (parfois vitale) de vivre hors des cases homme et femme pour réduire au maximum la dysphorie ; de l’autre, la prise en compte de l’énergie que cela demande, la potentielle incompréhension, la peur d’ennuyer, d’en faire trop.

« Les périodes où j’allais le plus mal, c’était quand les seules interactions que j’avais étaient avec des gens auprès de qui je n’étais pas out. J’ai mesuré la différence en voyant plus souvent des gens avec qui il n’y a aucune ambiguïté sur mon genre, ça change vraiment tout, ça rééquilibre la balance face au mégenrage auquel on ne peut rien (les inconnu·e·s, les ami·e·s d’ami·e·s). »

Louison

« J’ai fait mon coming out auprès de ma famille, mes ami·e·s, une partie des gens au boulot, au sport et un peu à l’orchestre. Et ce qui est sûr, c’est que je me sens beaucoup mieux maintenant que je sais que les gens savent. »

Cælus

Des transitions non linéaires

La question « d’atteindre » un passing sous-entend une fixité, avec des vécus où l’on atteint un pôle (le passing du genre opposé) duquel on ne bougerait plus. Si cela n’est pas forcément vrai pour les hommes ou les femmes trans, les transitions des personnes non binaires déconstruisent encore plus cette idée.

Ces parcours ne sont pas simple à classer avec une lecture binaire des genres car ils sont motivés par des besoins qui, par définition, ne peuvent pas simplement se limiter à la masculinité ou la féminité. Il sont alors souvent considérés, à tort, soit comme des transitions « light » (par rapport à une idée très précise de ce que serait une transition), soit comme des détransitions (parce que les personnes réutilisent les pronoms de leur genre assigné, décident d’arrêter un THS…). Mais n’est-ce pas le principe même de la non-binarité de s’exprimer en dehors de ces cases (homme / femme, transition / détransition) ?

« Dans les milieux enby-friendly [au courant et respectueux de la non-binarité], j’ai envie de montrer qui je suis et je ne m’en prive pas, d’autant que je sais que je serai accepté·e, et que j’ai envie de leur montrer cette part personnelle de moi que je partage généralement assez peu. […] J’ai toujours rejeté la masculinité qu’on a tenté de m’attribuer depuis ma plus tendre enfance, mais je préfère me déguiser en mec cis plutôt qu’autre chose, c’est plus simple d’assumer un rôle de mec, je sais faire […] [ça] me semble être plus sécurisé dans la vie quotidienne. J’ai aussi envisagé un look très queer/genderfuck qui m’attire beaucoup plus, mais pareil, c’est risqué dans l’espace public. […]. J’ai essayé d’androgyniser un peu mon apparence en me laissant pousser les cheveux et les ongles, et en me rasant la barbe. Une transition médicale […] me conviendrait beaucoup moins. […] Dans l’idéal, j’aimerais bien avoir le moins de caractéristiques genrées possible. »

Camille

« Au tout début de ma transition, je rejetais tout ce qui était féminin – pas de maquillage, je m’étais coupé les cheveux très court, j’avais un passing butch. Après trois ans d’hormones, je me suis rendu compte que j’avais un cispassing masculin, ce qui était aussi désagréable. Du coup, j’ai pour la première fois de ma vie porté des robes par choix, je me suis laissé repousser les cheveux, si bien qu’avec le masque [que l’on doit porter à cause de l’épidémie de Covid-19], on me regenre au féminin dans la rue ou dans les magasins. L’efféminité me convient bien mieux, je me dis qu’un mec qui porte une robe n’a pas un passing masculin : il a un passing de mec en robe. »

Louison

Le passing peut donc être un élément à prendre en compte, mais le principal reste d’écouter ses envies ainsi que ses besoins, et de chercher ce qui peut procurer de l’euphorie de genre :

  • avoir ou non une apparence androgyne
  • changer ou non ses pronoms (qu’il s’agisse ou non de néo-pronoms)
  • faire ou non son coming out à des proches de confiance. Etendre ces coming out à d’autres milieux en fonction de nos besoins/possibilités
  • recourir ou non à un THS
  • recourir ou non à une ou des chirurgies…

C’est à chaque personne d’explorer les possibilités, si elle le souhaite, et d’exprimer sa non-binarité selon ce qui fait sens pour elle à un moment donné.

« À une époque j’ai essayé d’être full fem [avoir une apparence hyperféminine], voire même de devenir une jolie jeune femme [avant de] me rendre compte que [je me fichais aussi d’être une femme] et que je voulais juste être moi, et qu’en fait j’avais toujours su que je n’étais pas une femme. Reprendre les attitudes avec lesquelles on a grandi mais un peu modifiées / nettoyées, maintenant que j’ai plein de fringues fem je reprends ma démarche masc […] ; ça m’est arrivé d’avoir le bulge (bosse au niveau de l’entrejambe) visible volontairement. »

Eva

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Documentation

Le passing quand on est non binaire