Témoignage

Sasha, homme trans de 19 ans

Présentez-vous en quelques mots.
J’ai 19 ans, je suis un mec trans réunionnais, j’ai commencé la testo il y a un peu plus de 7 mois maintenant (en France métropolitaine) et fait changer mon prénom auprès de la mairie. Je vis actuellement chez mes parents (à la Réunion).
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
J’ai commencé à me poser des questions vers mes 17 ans. Avant ça, quand j’ai réellement découvert l’existence des personnes trans, j’ai vite assimilé l’idée, j’avais une espèce d’admiration bizarre pour les mecs trans, j’étais typiquement l’allié gênant qui se sentait trop concerné par cette cause, qui pleurait devant les témoignages, etc., mais j’avais pas vraiment fait le lien !

Avant ça, j’essayais toujours de me faire admirer des mecs, avoir les mêmes goûts qu’eux, qu’ils me trouvent aussi cool qu’eux, et j’assumais très mal d’aimer des trucs dit pour filles, même si je pense qu’il y a une grosse part de misogynie là-dedans, je pense que ç’a influencé au moins un peu ma transition, ou le fait que je m’en sois rendu compte.

Vers 17 ans j’avais les cheveux courts et on me disait que je ressemblais un peu à un mec, ça me faisait ultra plaisir, alors je me suis posé des questions, il m’a fallu encore un an pour accepter le fait que je suis trans. J’avais peur de l’avouer parce qu’il aurait fallu que j’assume le fait que je veuille transitionner, et vu que je pensais que c’était impossible, je préférais me dire que j’étais très bien en meuf. À un moment, la dysphorie était trop forte et un ami qui avait compris s’est mis à me genrer au masculin et je me suis réellement rendu compte que c’était comme ça que je voulais vivre : en tant que mec.

Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
Ma plus grande inquiétude a été le coming out à mes parents, et à mon entourage en général, je suis resté dans le placard pendant de nombreux mois pendant lesquels j’ai réellement pensé à fuguer et couper tout contact avec ma famille pour pouvoir transitionner parce que j’étais persuadé qu’ils seraient pas d’accord. J’étais à ce moment-là chez un oncle et une tante très peu tolérants et j’étais constamment dans la peur qu’ils le découvrent et le disent à mes parents, et que je perde le seul soutien dans ma vie. Je voulais attendre une situation stable pour leur dire. Aussi, pendant ce temps-là, la dysphorie a été dure à gérer, j’avais peur de commander un binder et qu’on le découvre. Au final quand j’ai dû partir de chez eux et j’ai pu avoir binder. J’ai fait mon coming out quelques mois après, et tout s’est bien passé.
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
Le premier coming out s’est passé sur les réseaux, j’étais avec des gens cool donc tout s’est bien passé, j’avais pas vraiment peur. Comme je l’ai dit plus haut, ç’a été plus dur pour ma famille, j’avais très peur de leur dire au point de souvent en faire des cauchemars.
Pour résumer ma situation à ce moment-là : mon oncle et ma tante m’avaient viré et je me suis retrouvé dans un logement d’urgence à être aidé par des assos principalement, mes parents étaient à la Réunion et ne pouvait pas vraiment m’aider. Mes premiers coming out hors réseaux se sont faits auprès de mes conseillers Mission locale et de l’association qui me prêtait le logement, tout s’est très bien passé, j’avais très peur et étant très sensible, j’ai beaucoup pleuré pour le faire, tout le monde a été très rassurant et m’a soutenu, ils n’ont plus jamais utilisé mon deadname, etc. Ça m’a un peu soulagé par rapport à celui à faire à mes parents mais je restais très angoissé.
En avril, ils devaient venir me voir dans quelques mois, j’ai donc pris la décision de leur dire à ce moment-là, je voulais leur dire en vrai, et je ne savais pas quand j’allais les revoir après cela, je ne supportais plus le fait de ne pas pouvoir transitionner donc je ne voulais plus le retarder. Finalement, ils sont venus plus tôt que prévu, ils m’ont annoncé qu’ils arrivaient une semaine après, ça m’a laissé très peu de temps pour me préparer et ç’a été une semaine de grosse angoisse. Mes deux frères et ma mère venaient samedi aprem’ et repartaient lundi matin. Je voulais profiter un maximum du temps avec eux, donc j’ai voulu leur dire le plus tard possible. (Dimanche soir, j’avais peur de ne pas avoir le temps lundi matin.) Le dimanche soir donc, je me suis lancé, j’ai demandé à ma mère si on pouvait parler seuls dehors (je voulais lui dire à elle en premier, puis à mes frères) et j’avais les larmes aux yeux, une fois dehors j’ai longtemps pleuré en lui disant que j’avais très peur qu’elle me déteste après cela, je pense qu’elle a dû beaucoup s’inquiéter. Finalement après bien 10-20 minutes, je lui ai dit. La première chose qu’elle m’a dite a été qu’elle essaierait de m’aider à payer pour les opérations. J’ai tout de suite été ultra soulagé, elle m’a beaucoup rassuré en me disant que j’étais libre de transitionner si je le voulais et qu’elle me soutiendrait là-dessus, elle n’a pas émis de doute, elle semblait pas inquiète, elle m’a juste posé deux-trois questions, elle a dit qu’elle aimait beaucoup le prénom que j’avais choisi, on est remontés dans la chambre pour le dire à mes frères, ils m’ont soutenu aussi, on a passé la soirée à lire des prénoms parce que je voulais que ma mère choisisse mes deux autres prénoms. Encore aujourd’hui c’est sans aucun doute le plus beau souvenir lié à ma transition ! Quelques mois après, ma mère l’a dit à mon père, je n’étais pas là donc je ne sais pas exactement comment il a réagi mais a priori très bien aussi.
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidé durant votre transition.
Beaucoup de personnes m’ont aidé durant ma transition, déjà le Planning familial de là où j’étais qui m’a donné accès aux ressources pour changer mon prénoms, et les différentes assos qui ont accepté de témoigner pour monter mon dossier ! Le Planning familial aussi m’a donné des contacts qui m’ont permis de pouvoir commencer la testo le plus près possible de chez moi (j’étais en lieu très isolé donc c’était à plusieurs heures de train, mais c’était mieux que rien).
Aussi le fait qu’à aucun moment ma famille n’ait voulu retarder ma transition, ma mère m’a réellement soutenu dans tous mes choix, j’ai fait changer mon prénom un mois après mon coming out et elle était contente pour moi, elle ne m’a pas demandé plus de temps avant les hormones pour qu’elle s’habitue ou ce genre de chose. J’ai reçu énormément de soutien moral de tout le monde et ça m’a énormément aidé.
C’est aussi le Planning familial qui a pu me faire avoir les hormones à la Réunion. À défaut d’avoir de réelles assos trans, ils sont d’un soutien énorme pour les personnes trans, partout où j’ai été, on m’a très bien reçu, ils sont un lieu ressource et je les remercie énormément pour ça.
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
J’ai toujours été dans des lieux un peu isolés, que ce soit en France métropolitaine ou à la Réunion, et ç’a été un peu galère d’avoir les ordonnances pour les hormones, mais j’ai réussi à m’en sortir. J’ai la CMU [Couverture maladie universelle] donc tout est remboursé, à ce niveau-là tout se passe bien.
J’ai remarqué les premiers effets des hormones après un peu plus d’un mois, ma voix a commencé à craquer, j’ai commencé à avoir plus de pilosité faciale. Au début, c’est normal de se sentir un peu bizarre de changer comme ça, même si c’est ce qu’on veut, mais à la fois on est très euphorique, aujourd’hui je suis tellement heureux de regarder ma barbe, ma pilosité, j’aimerais que ma voix descende encore mais c’est déjà tellement mieux, je ne me fais quasiment plus mégenrer dans la rue (en revanche on me prend souvent pour un collégien, il faut s’habituer à être très infantilisé, c’est mieux que d’être mégenré mais pas forcément agréable).
Je suis réellement super heureux des effets et j’ai très hâte du reste, ça m’a beaucoup aidé sur le plan moral.
Racontez un moment très fort de votre transition.
Ma première injection ! Elle a été un peu retardée car j’avais des tests à refaire, mais je comptais les jours. Ça s’est fait un lundi matin. Il faut savoir que j’ai très peur des aiguilles, et que j’avais peur de la réaction de l’infirmière en me voyant, en voyant la testo, et en comprenant que j’étais trans. Au final, elle a été extrêmement bienveillante et compréhensive, elle m’a vu très très stressé et m’a dit que c’était OK de craquer, je me suis mis à pleurer et elle m’a beaucoup rassuré, au final l’injection s’est passée et je n’ai pas du tout eu mal, j’étais soulagé.
J’étais tellement heureux de me dire qu’un an avant j’étais persuadé que je ne pourrais jamais transitionner, que j’allais être dysphorique toute ma vie, et là j’avais passé le cap de la testo, c’était incroyable, j’avais réussi. Je pense que c’est un moment fort pour tout le monde !
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
C’est normal d’avoir peur. Si tu le peux, entoure-toi d’autre personnes trans ! Ça m’a personnellement beaucoup aidé. Ou au moins essaie de d’entourer des gens bienveillants qui te soutiennent, des assos existent aussi pour t’aider. Même si ça peut paraître insurmontable, tu peux y arriver, tu vas réussir, n’abandonne rien !

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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