Témoignage

Vio, personne non binaire de 20 ans

J’ai 20 ans d’un milieu social très aisé, et je suis étudiant en cinéma.

Avant mes 16 ans, je ne concevait même pas l’idée que les personnes trans étaient de vraies personnes. Pour moi, elles n’existaient que dans les blagues faussement dissidentes de ma famille proche ou dans les comédies, toujours des “hommes déguisés en femmes”, toujours hypersexuelles, toujours la punchline de la blague.

L’une des seules représentations positive (ou du moins pas trop négative) que j’en avait était celle de The Lady Chablis dans le film Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal de Clint Eastwood. Elle était drôle, elle était respectée, elle était classe mais elle était aussi une sorte d’attraction utilisée pour démontrer la singularité de Savannah. Bref, elle n’était pas vraiment représentée comme humaine non plus.

Au lycée, je pratiquais énormément d’anglais ; je me suis donc mis à surfer sur le Youtube anglophone et c’est à ce moment là que je suis tombée sur une vidéo de Stef Sanjati, qui venait d’entamer sa transition.

A cette période de ma vie, je savais déjà que je n’étais pas hétéro, même si je n’avais eu aucune relation avec une autre fille, j’avais tenté une relation amoureuse avec un garçon un peu plus vieux que moi qui n’avais pas donné grand chose et j’avais eu des tonnes d’encontres désagréables avec des hommes depuis ma puberté. Je ne me posais pas de questions sur mon genre, je ne pensais pas être trans puisque je savais (et je sais) que je ne suis pas un garçon et je ne pensais pas qu’il existait autre chose.

Je me suis complètement réfugié dans les vidéos de ces Youtubeur.euses anglophones, Stef Sanjati, Chase Ross (ouais il a pas bien vieilli celui là), Jackson Bird, Aaron Ansuini, Ash Ardell, Riley J. Dennis, qui filmaient et racontaient le processus de tomber amoureux avec leur corps, et leurs vies en tant que personnes trans. Je les voyaient s’épanouir et je les jalousaient.

Aaprès mon bac, je suis parti aux Pays-Bas, avec comme idée en tête de faire une licence en Sciences Politiques. J’y ai eu une véritable crise identitaire. Puisque je n’étais plus défini par mon entourage, qui est-ce que j’étais? Un sentiment de panique existentielle s’empara de moi et il dura pendant de longs mois.

J’avais déjà entendu parler de personnes non binaires, notamment Ash Hardell et Riley J Dennis, mais ces représentations étaient si peu nombreuses, qu’il était difficile pour moi de m’y identifier vraiment.

Une autre barrière à la découverte de mon identité a été la langue : pendant très longtemps je n’ai pas connu de personnes non binaires francophones et avant d’être dans un environnement anglophone je ne connaissais aucune manière de parler de moi sans forcément utiliser des pronoms et des accords féminins.

Puis un soir alors que j’étais en train de me maquiller, assis en tailleur devant le miroir dans ma chambre, je me suis dit à moi-même, à voix haute : “Je suis non-binaire”, juste pour voir si ça sonnait bien.

En l’entendant, j’ai réalisé que c’était vrai et que pendant très longtemps dans ma vie, je me suis fait souffrir afin d’essayer de devenir quelque chose, qu’au fond je n’ai jamais été : une femme.

Encore aujourd’hui, dans ma vie, peu de choses me semblent aussi sûres que mon identité de genre.

Et pourtant, je suis toujours très mitigé par rapport à ma fierté d’être non-binaire. Car même si je suis définitivement plus heureux et serein depuis que je la revêts, c’est une identité méconnue et stigmatisée. Comme toutes les identités trans elle est difficile à expliquer, surtout quand on est constamment sous la pression de la justifier.

Elle est aussi très souvent moquée et, même si ça m’atteint moins maintenant, le niveau de violence verbale des gens est parfois effrayant, et ça m’arrive encore de me dire qu’il serait mieux pour moi de renier cette identité de me remettre à “vivre comme une femme” et/ou à “penser à moi comme une femme”. Mais je crois que si j’étais contraint de faire ça je ne voudrais pas vivre.

Depuis que je sais que je suis non-binaire et que je le revendique, la sensation d’être inadéquat dans ce monde et dans cette société s’est allégé, puisque je n’ai plus l’impression qu’il y a un problème avec moi.

Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?

J’ai eu peur que les gens autour de moi aient raison et que ce ne soit qu’une phase. Puis j’ai réalisé que même si c’était le cas, ça n’invalide pas que je me sente comme ça, et que mon identité est valide.

Je ne peux pas savoir si c’est une phase, mais je n’ai aucune raison de penser que c’est le cas. Je me suis toujours senti comme ça, j’ai juste réussi à mettre un mot sur ce ressenti.

Comment se sont déroulés vos coming-outs ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?

Quand j’ai compris que j’étais non binaire, j’ai envoyé un message à mon frère (qui a été très compréhensif et qui fait de son mieux pour que je me sente à l’aise, il m’appelle son adelphe et est extrêmement bienveillant) et à un.e ami.e qui est non conforme dans le genre (même s’iel ne savait pas à l’époque).

Je pense que le coming out est un processus continu. C’est à dire que ça n’est pas parce que mes parents (notamment mon père) savent que je suis non binaire qu’ils vont utiliser mon pronom préféré ou mes accords préférés. C’est un long chemin parsemé d’embûches et de petites victoires.

Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition.

Mon premier allié est mon grand frère, dont je suis très proche. Il est la personne la plus supportive dans ma famille. Il m’a acheté mon premier binder pour mes vingts ans et fait un très bon travail en tant qu’allié, il se renseigne et prend ma défense.

Une autre alliée que j’ai rencontrée en cours de ma transition est une amie à moi qui est aussi trans. Je pense que c’est essentiel de s’entourer de gens qui connaissent un peu ce que vous ressentez. Je peux toujours lui parler de mon corps et de ma dysphorie car je sais qu’elle comprend. On fait du drag ensemble ce qui est une façon amusante d’explorer l’expression de genre

Racontez un moment très fort de votre transition

Je n’étais pas au courant mais ma mère a commencé à parler de ma transidentité à ma famille, notamment mon oncle et mes grand-parents. Ca m’a beaucoup ému quand elle me l’a dit puisque ça signifie qu’elle a confiance en mon autodetermination et qu’elle n’a pas honte de moi, alors que même moi, j’ai parfois honte de mon identité et j’ai la sensation de devoir la cacher.

Elle a aussi commencé à me parler de mammectomie, et même si je n’ai pas encore pris ma décision, ça me fait beaucoup de bien de savoir que quelle qu’elle soit, ma mère sera à mes côtés, et qu’elle la respectera.

Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?

Je suis désolé si ta famille ne respecte pas ton identité, mais en aucun ça n’invalide qui tu es. Personne ne peux t’enlever ça, le choix que tu as à faire est de vivre cette identité ou non.

Je te conseille de trouver des gens qui sont comme toi, en t’aidant des groupes LGBTI+ autour de toi et expérimente avec ton expression de genre dans des lieux et avec des gens avec qui tu te sens en sécurité.

en t’aidant des groupes LGBTI+ autour de toi et expérimente avec ton expression de genre dans des lieux et avec des gens avec qui tu te sens en sécurité.

Trouve ce qui te mets à l’aise afin de ne pas vivre une vie de contraintes qui ne correspondent pas à qui tu es.

Tu es valide, tu es magnifique, tu es aimé-e.

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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