Témoignage

Amélie, femme trans de 29 ans

Présentez-vous en quelques mots.
Je m’appelle Amélie, j’ai 29 ans, j’habite à Paris et je travaille dans l’informatique. Je suis à un an de traitement hormonal, j’ai fait du laser et de l’électrolyse pour ce qui est des poils du visage, de l’orthophonie pour féminiser ma voix (même si techniquement les résultats sont là, c’est encore difficile à utiliser au naturel au quotidien). Je suis en full time, out partout (famille, travaille, ami·e·s, Facebook) et j’ai à peine commencé les démarches de changement de prénoms.
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
**(Ou comment l’interdit suprême est progressivement devenu envisageable pour finalement s’avérer inévitable)**

Enfant je ne savais pas mettre des mots dessus.

« C’est grave, c’est la pire chose que tu pourrais faire, te comporter comme une fille c’est TRÈS mal », une injonction dont l’origine me questionne encore qui, si bravée, pouvait avoir des conséquences mortelles (socialement), et qui m’a toujours habitée, en colocation avec ma fascination inavouée pour la gente féminine.

Mon corps a toujours eu une relation très forte avec l’énergie du yin (énergie féminine). Avant, mon arrivée à Paris en septembre 2012 (22 ans) cela se traduisait par de la résistance, mon corps travaillait inlassablement à bloquer cette énergie.
Par exemple, je me rappelle encore très clairement au collège être hyper vigilante à ne surtout pas avoir le dos cambré lorsque j’étais assise, parce que dans ma tête, c’étaient les filles et les mecs gays qui le faisaient et être associée à l’un comme à l’autre me semblait mortellement dangereux. Ah oui, parce que je n’étais pas vraiment au courant de l’existence de la transidentité, mais l’homosexualité, ça, je savais que ça existait, et je savais que j’avais très peur d’être concernée. Je me souviens un soir me coucher en me répétant « je ne suis pas gay, je ne suis pas gay, je ne suis pas gay… » en boucle jusqu’à m’endormir, ou encore, je faisais comme dans un long dimanche de fiançailles : « Si je termine ce niveau sans me faire toucher, ça veut dire que je ne suis pas gay. » Et lorsqu’au lycée une personne percevais mon énergie teintée de yin (malgré tous mes efforts pour la dissimuler), et m’y confrontais brutalement avec un « T’es gay ? », cela me mettait dans une état de gêne insurmontable mêlée de panique, j’étais comme piégée, on me faisait voir la vérité de force, publiquement ! Mais quand même j’ai résisté, et j’ai fermé les yeux, et ça m’a demandé encore un certain temps avant de mettre un terme à ce déni.

Quelques mois après mon arrivée à Paris, j’ai commencé le lent travail d’acceptation de cette vérité qui me semblait si repoussante, et dès l’été 2013 (23 ans) je m’identifiais comme un homme gay. Au fil des années, libérée de l’obligation de me comporter en mâle hétérosexuel, et au travers de pratiques telles que la danse et le théâtre, mon corps a commencé à lâcher prise, à être moins en résistance avec cette énergie, et aujourd’hui la prophétie qui initialement me terrifiait tant s’est heureusement réalisée : dès que mon corps put goûter à cette féminité, cela se révéla comme une drogue dont il ne pouvait ni ne voulait plus se passer.

2016 (26 ans) : « Est-ce que je suis vraiment gay ? Queer, ça, c’est sûr. Mais gay… ? Je crois que cette étiquette ne me convient plus. » Il faut dire aussi que de toute ma vie je n’ai jamais eu d’attirance pour un homme, ni pour une femme d’ailleurs. L’idée d’être un être sexuel m’a toujours semblé aberrante et je me suis toujours sentie inappropriée au jeu de la séduction. Pour les femmes, je ressentais quelque chose que pendant un temps j’ai pris pour de l’attirance, mais qui au fur et à mesure d’expériences particulièrement gênantes et frustrantes, s’est révélé être une obsession où l’autre ne représente plus un intérêt en tant que personne mais en tant que concept : la Femme. Ça m’obsédait. J’enviais leur esthétisme, je jalousais les droits qu’elles avaient et qui m’étaient interdits : le droit de porter des couleurs, des bijoux, le droit d’être féminines, émotionnelles, expressives, le droit de parler de sujets féminins, le droit de pouvoir être dans un groupe de filles sans se sentir l’intrus. Je reluquais autour négligemment cette gente réelle. Je regardais furtivement cette fille dans le métro dont le physique me faisait rêver, et puis lorsqu’elle s’en allait, il ne restait en moi que de la colère : « Pourquoi elle y a droit et pas moi ? Qu’ai-je fait pour mériter cette cruelle injustice ? »

C’est à cette période que j’ai commencé à aller sur Reddit pour m’informer sur la transidentité et dialoguer avec des gens qui avaient traversé ce que je vivais. J’y passais plusieurs heures, quotidiennement, obsessionnellement. Ce fut une véritable mine d’informations, et le fait de pouvoir en parler m’a été d’une aide inouïe. Ça m’a aidée à dédramatiser et à me dire que ça ne faisait pas de moi un monstre, et puis ç’a semé dans ma tête l’idée que transitionner était une possibilité envisageable.

Un matin, janvier 2018 (27 ans) : je suis réveillée, mais je reste encore dans mon lit. Je suis tout excitée. Ça y est, c’est décidé, cette boîte de Pandore, je ne pourrai jamais la refermer, je suis trans, et je vais faire une transition. J’étais TELLEMENT joyeuse de ce que ça signifiait : « Pour de vrai ? Je vais vivre en fille ? Vraiment ? Moi ? J’y ai finalement droit ? » L’euphorie a duré quelques jours avant que la réalité de la complexité logistique que cela représentait me rattrape. J’ai donc commencé les démarches pour entamer ma transition. Puis, passé les obligations légèrement aberrante imposées par les entités officielles et passé l’attente interminable, j’ai commencé mon traitement hormonale en septembre 2018, le jour de mes 28 ans.

Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
Ma mère : « C’est horrible, tu peux pas imaginer. C’est la pire chose qui puisse arriver à une mère. » (Après ça, j’ai coupé les ponts avec elle pendant un an et demi, et lorsqu’on s’est revues, j’ai pu constater qu’elle avait vraiment fait du chemin sur le sujet et elle m’accepte totalement maintenant.)
Mon père : « Même si tu n’es plus mon fils tu resteras toujours mon enfant. » (Je sais, best dad award)
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition.
Au boulot et dans les milieux de la danse et du théâtre dans lesquels je navigue, les gens se sont montré·e·s d’une gentillesse et d’une tolérance que je ne pouvais oser espérer. Moi qui m’étais imaginé le pire, que les gens ne comprendraient pas, qu’ils me trouveraient ridicule, me jugeraient, me rejetteraient, j’ai appris que les gens me veulent fondamentalement du bien. Ils m’ont énormément aidée sur ma route de l’acceptation de soi, et je ne pourrai jamais les en remercier assez.
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
Fuck yeah
Je peux regarder dans une glace et voir un être humain
Je peux porter des habits que j’aime
Je peux être avec un groupe de filles sans me sentir être une anomalie, et ça c’est un sentiment si doux, si délicieux, alors qu’avant ce n’était qu’anxiété
Je peux bouger et être féminine !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je peux parler de sujets intimes qu’en homme on n’a « pas le droit » d’évoquer
Je peux commencer à considérer avoir une relation amoureuse/sexuelle avec quelqu’un
Je constate que je suis dans une énergie beaucoup plus ouverte et accueillante
J’aime avoir une poitrine
Je peux être moi-même
Au final cette transition m’a indirectement beaucoup fait grandir
Racontez un moment très fort de votre transition.
La période d’entre-deux (qui a duré 6 mois) était rétrospectivement particulièrement difficile. Je ne savais plus trop qui j’étais, j’avais de la peur, de la gêne, de la honte, et le monde était devenu chaotique, tous mes repères bougeaient. J’étais remplie de la peur d’être perçue comme un être anormal / monstrueux, alors je faisais semblant pour convenir. Dieu merci, cette période est derrière moi. Et finalement, cette période était nécessaire, et j’en suis sortie vraiment grandie.
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
C’est peut-être un peu la panique au début. Tu n’aimes pas ton corps, ton image, ton statut social, et tu as l’impression d’être condamné·e à cette vie sans saveur… mais ça va changer, et tout ce que tu lis ici et là est déjà en train de faire bouger les choses. Le chemin est semé d’embûches, mais c’est un magnifique cadeau que tu fais à ton toi futur, alors tiens bon, le jeu en vaut vraiment la chandelle ! Courage !

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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