Présentez-vous en quelques mots. |
Je vais sur mes 19 ans cette année, j’ai fait une L1 en LLCE anglais, mais finalement cela ne m’a pas intéressé. Je me suis donc demandé quelles étaient mes « passions » pour rebondir et ne pas rester sans rien faire, et j’ai décidé de m’orienter vers le domaine animal, en espérant que cette voie me corresponde ! Je vis donc en ce moment à nouveau chez mes parents en attendant de retrouver un appartement.
Je ne suis pas encore hormoné, même si cela fait très longtemps que j’attends ce jour, car le seul « obstacle » m’en empêchant pour l’instant est mes parents. Cependant, j’ai pu me détacher d’eux pendant cette année à la faculté, ce qui m’a fait un bien fou. J’avais prévenu l’administration de ma situation, et ils étaient plus que compréhensifs, mon deadname [prénom de naissance] n’est apparu nulle part, qu’il s’agisse de ma carte étudiante ou les liste d’appels en classe de TD. |
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ? |
Même si je n’aime pas baser mon vécu sur des stéréotypes, on peut dire que pendant mon enfance j’ai toujours été un peu « garçon manqué ». Mes amis étaient tous des garçons, c’est seulement vers la fin primaire, début collège, que j’ai commencé à me lier d’amitié avec des filles. Cela peut paraître étrange, mais pendant mes années collège, lorsque je « sortais » (c’est un grand mot étant donné les relations haha) avec des garçons, j’avais ce sentiment de ne pas être dans une relation hétéro. Mais je ne prêtais pas plus attention que ça à ces pensées à cette époque.
Quand j’ai eu mes premières règles, je me souviens avoir pleuré pendant plusieurs minutes parce que je ne voulais pas avoir ce genre de choses, je pense que ç’a fait comme un déclic qui m’a rappelé que j’entrais dans l’adolescence et que mon corps allait commencer à changer. Fin collège, j’ai commencé à me « chercher ». J’ai coupé mes cheveux en 3e et je commençais à me sentir heureux par rapport à mon apparence, je commençais à m’habiller au rayon homme, etc. L’arrivée au lycée a été un grand tournant vis-à-vis de moi même. J’ai eu une relation avec une fille pendant 8 mois, mais encore une fois, je n’avais pas l’impression d’être dans une relation lesbienne. Je l’ai quittée car j’ai commencé à me poser les bonnes questions sur mon identité mais également sur mon orientation sexuelle ; je l’aimais mais je n’éprouvais aucune attirance envers elle. Je me souviens aussi que quand elle essayait d’être plus intime avec moi, j’avais un sentiment de honte / dégoût par rapport à moi-même et qui faisait que je ne voulais pas qu’elle me touche sexuellement. Elle l’avait compris et ne m’a jamais forcé à rien. J’avais aussi commencé à porter des brassières de sport, sans toujours comprendre d’où me venait ce sentiment d’euphorie quand je me regardais dans le miroir en les portant. Bref, quelques mois après la rupture, j’étais donc en 1ère, et j’ai enfin réalisé pourquoi j’avais ce mal-être en moi : j’étais transgenre. J’ai mis plusieurs mois à me faire à cette idée, car je ne voulais pas l’accepter et y faire face, mais j’ai bien dû m’y faire, car ce sentiment de dysphorie n’allait pas disparaître. Quand j’ai enfin ouvert les yeux, je me suis rendu compte de toutes les fois où ceci expliquait cela ; par exemple aux vestiaires avec les filles, ou alors enfant quand mes amis garçons me demandaient pourquoi j’étais ami avec eux et non pas avec des filles puisque que je n’étais pas un garçon. Un moment qui témoigne aussi de ce mal-être : enfant, j’étais seul dans ma chambre et je me regardais dans le miroir avec un sentiment fort d’inconfort et de dégoût que je pouvais. J’avais aussi des rêves étranges avec ce même sentiment, où je me trouvais en sous-vêtements devant des gens qui ne prêtaient pas attention à moi, la honte venait de moi-même et pas d’eux. Bref, pour conclure, la dysphorie est donc ce qui m’a interpellé et m’a fait rendre compte de mon identité. |
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ? |
Il y en avait beaucoup ; la réaction de mes amis, ma famille, l’aspect de la transition qui avait l’air interminable (dans le sens où il faut attendre un long moment avant d’être hormoné, etc..), mais aussi ma dysphorie qui ne faisait que s’accroître.
Quelques mois après avoir compris que j’étais transgenre, je l’ai annoncé à mes amis, un par un quand j’étais avec eux et que je sentais que c’était le bon moment pour leur dire. Quant à l’aspect transition, j’ai fait beaucoup de recherches sur ce sujet, j’ai lu beaucoup de témoignages et j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de quoi s’en faire, car le champ médical a beaucoup évolué ces dernières années, et nous ne sommes plus considérés comme des bêtes de foire, même si certains professionnels restent à éviter pour leur convictions moyenâgeuses. Je suis aussi tombé sur beaucoup de personnes transgenres s’étant pleinement intégrées dans la société, ce qui m’a rassuré sur la peur d’être « rejeté » pour qui je suis. Quand à ma dysphorie, j’ai pu me procurer un binder, ce qui a été un jour important pour moi. C’est légitime et totalement OK d’avoir des inquiétudes, mais il y a toujours une lumière au bout du tunnel ! |
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ? |
Avec mes amis, cela s’est très bien passé, ils ont tous été compréhensifs et faisaient beaucoup d’efforts pour utiliser les bons pronoms et ne pas utiliser mon deadname.
Avec ma famille, c’est beaucoup plus délicat. J’ai 3 soeurs (une plus âgée et deux plus petites), et des parents étroits d’esprit. Il y a un an déjà, j’ai réussi à réunir tout mon courage pour l’annoncer à ma grande sœur, avec qui je suis très proche. À ma surprise, cela s’est très bien passé ! Elle m’a dit que cela ne la choquait pas et que si c’était comme ça que je me sentais, alors elle ferait avec, que c’était ma vie et qu’elle me soutiendrait dans tous les cas. Comme quoi, on ne peut jamais vraiment anticiper la réaction d’une personne ! Je pensais qu’elle allait mal le prendre et me demander d’où je sortais cette idée, que ça allait me passer etc. J’ai de la chance de l’avoir. Mes parents sont ceux que je redoute le plus, en un an je n’ai toujours pas réussi à leur dire, j’avais prévu de leur dire lors de mon année à la faculté, car j’avais la sécurité d’avoir mon appartement s’ils décidaient de couper les ponts avec moi, histoire de ne pas être à la rue. Mais je n’arrive pas à me faire à l’idée que je vais être la personne dans ma famille à briser ce lien dans notre famille de six. Nous sommes une famille proche qui a surmonté beaucoup de choses, et j’ai une bonne relation avec mes parents car ils sont des fois presque comme mes amis. Mais sur les sujets LGBT, ils sont très reculés et ne s’empêchent pas de faire des remarques insultantes, même s’ils savent que mes sœurs et moi ne pensons pas comme eux. Avec mes parents, je me suis préparé mentalement au pire : qu’ils coupent les ponts et ne veuillent plus de mes nouvelles pendant un court ou long moment. Heureusement, ma grande sœur sera toujours là pour m’épauler si ça tourne mal. Mes petites sœurs ne le savent toujours pas, mais je pense bientôt l’annoncer à ma sœur de 16 ans, car je pense qu’elle pourra comprendre un minimum. J’espère aussi l’annoncer très bientôt à mes parents, quand j’aurai à nouveau un appartement, car je ne pense pas encore tenir longtemps dans ce secret qui me pèse beaucoup. Même s’ils le prennent mal, je dois commencer à me focaliser sur moi-même et mon bien-être mental, même si le fait d’être coupé d’eux me donnera toujours un sentiment de culpabilité étant donné ma relation avec eux. On ne vit qu’une fois, il faut penser à soi-même et son bonheur, cela n’est pas égoïste. |
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidé durant votre transition. |
Mes amis sont certainement les personnes qui m’ont apporté le plus de soutien. Ils ont toujours su m’écouter quand je me livrais par rapport à mes inquiétudes du futur, ils m’ont rassuré beaucoup de fois et m’ont apporté de précieux conseils.
Être entouré d’amis bienveillant fait un bien fou dans ce genre de situation. Cela m’a toujours fait extrêmement plaisir quand ils corrigeaient certaines personnes quand elles parlaient de moi par exemple, les petites choses comme celles-ci font toujours chaud au cœur. Ils me soutiennent à 100 %, je suis très chanceux d’avoir de si bons amis auprès de moi. Une autre personne importante à mes yeux est un ami que je connais depuis 2 ans et qui est lui aussi transgenre. Il m’est d’une aide précieuse car il peut relater [s’identifier dans] mes expériences et peut me donner son point de vue sur certains événements. Cela fait du bien d’avoir une personne « comme soi » qui comprend ses doutes et ses peines. |
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ? |
Pour l’instant je ne suis toujours pas hormoné, mais pendant mon année à la fac tout le monde me connaissait sous Stanley et pas autre chose, ce qui me rendait épanoui dans ma vie de tous les jours. La faculté était un environnement dans mon cas bienveillant, je n’ai jamais subi de quelconques remarques ni de regards déplacés, qu’il s’agisse de profs ou d’étudiants.
J’espère bientôt aller de l’avant et enfin me sentir bien en me regardant dans le miroir. |
Racontez un moment très fort de votre transition. |
Un moment fort pour moi est le jour où j’ai enfilé mon premier binder. J’ai dû me regarder dans le miroir pendant au moins une heure, à essayer et redécouvrir des hauts dans lesquels je me sentais maintenant beaucoup plus confortable qu’auparavant. |
Un conseil à donner à une personne trans qui voudrait se lancer ? |
Je suis passé par tes questionnement, tes doutes et tes peurs, et c’est normal de passer par cette phase ! Tout va bientôt être clair dans ton esprit. Pense à ton bonheur et ton bien-être avant tout, les avis des gens ne t’amèneront jamais loin ; on ne vit qu’UNE seule fois ! Tu dois penser à ton épanouissement personnel et non aux regards des gens. |