Présentez-vous en quelques mots. |
J’ai maintenant 21 ans et je suis étudiant en art. Ça fait bientôt 5 ans que je n’habite plus chez mes parents |
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ? |
J’ai eu la chance de grandir sans être forcé dans des rôles genrés, et jusqu’au collège je n’ai jamais trop questionné mon genre. Je n’étais pas au courant de l’existence de la transidentité, mais déjà à l’époque j’aimais me déguiser en personnages de tous les genres, et ça me faisait extrêmement plaisir d’être l’exception. Étant un enfant un peu étrange, je n’ai pas beaucoup interagi avec les gens de mon âge jusqu’au collège où j’ai commencé à me sentir très mal dans ma peau.
Je tentais de suivre la mode et de m’habiller pour plaire à mes camarades, mais je restais exclu. Je ne savais toujours pas ce que c’était d’être trans et à peine ce que c’était d’être gay, ce qui a marqué ma puberté qui fut très confuse. Au lycée, j’ai commencé à assumer mon corps un peu plus et à me dégager du regard des autres. J’ai commencé à passer beaucoup de temps en ligne où j’ai découvert les identités LGBT. Je n’étais sorti qu’avec une seule personne, un garçon plus vieux que moi, et suis tombé amoureux d’une fille de mon âge. Cela m’a choqué à l’époque, et j’ai commencé à douter très fort de qui j’étais. Durant les années qui ont suivi, j’ai oscillé entre plein d’identités. Je me croyais bi, plus lesbienne, terme que je détestais – mais être « butch » était le plus proche de ce que je ressentais, vouloir être ouvertement androgyne et rejeter les rôles genrés – et je n’aimais pas l’idée d’être une femme. Après quelques années, j’ai déménagé, j’ai rencontré des gens ouvert d’esprit, et je me suis rendu compte que j’étais non binaire, tout simplement. Être un garçon ou une fille ne m’avait jamais enchanté… |
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ? |
J’ai toujours un peu peur du jugement des autres, j’ai l’air ouvertement androgyne et je sais que cela m’expose à la haine en public, mais je n’ai jamais eu de problème… La dysphorie me touche parfois, rarement mais par vagues assez douloureuses. Mes amis m’aident grandement sans le savoir, je suis entouré de gens qui m’aiment et savent qui je suis sans juger mon apparence. De plus, avoir l’air ouvertement trans est pour moi une force, quelque chose que j’aime brandir et montrer au monde, parce que j’adore croiser des gens inconnus visiblement androgynes, c’est quelque chose qui m’inspire et me rassure, et je veux faire de même autour de moi.
Les derniers obstacles qui me restent à franchir sont la transition médicale et ma famille. Pour ma transition, je fais doucement des recherches (merci Wiki Trans !) et réfléchis au long terme. Pour ma famille, c’est plus dur. Pour être honnête, je ne compte pas faire mon coming out. Je sais leur hostilité envers les gens LGBT, et ils ne méritent pas mon honnêteté sur le sujet. J’aime qui je suis et eux non, je garde le profil bas et je vis ma vie sans leur joug. Il y a quelques années, je n’aurais jamais pensé pouvoir être aussi libre, mais depuis que j’ai déménagé, je suis ouvertement qui je veux être et je ne me suis jamais senti aussi bien. |
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ? |
Bizarrement, les coming out, je les fais souvent parce que des gens autour de moi me demandent ce que je suis ! Si c’est le cas, je réponds honnêtement. Être megenré démange mais ne me fait pas mal, le français n’ayant aucune manière confortable de parler de moi-même sans genre. Quand je parle de genre avec mes amis, je leur dis. Quand un inconnu me confronte, je luis dis aussi. Mes limites sont ma famille, à laquelle je ne dis rien. À part mon frère et ma sœur, personne ne sait et ça me convient très bien, pour ma propre sécurité.
J’ai reçu des répliques qui font mal, comme des gens me disant « les gens trans je n’ai rien contre, sauf ceux qui s’inventent des genres entre homme et femme », mais elles sont rares. Certaines personnes ne comprennent pas toujours très bien mais la plupart ne disent rien en particulier et m’acceptent ! J’encourage ceux qui ont des amis ouverts d’esprit à leur en parler. Avoir des proches qui savent, tout simplement, ça change la vie. Malgré cela, ma famille me fait toujours peur. J’ai régulièrement des cauchemars où mes parents découvrent ma transidentité, et vivre avec eux m’est très pénible. |
Parlez-nous des personnes qui ont pu vous aider durant votre transition. |
Tout d’abord, des gens rencontrés en ligne. Ils m’ont ouvert les yeux sur la transidentité. J’ai aussi eu la chance de me lier d’amitié avec d’autres gens trans, en ligne et en vrai, souvent quelques pas plus loin que moi dans leur transition, et je les ai vus trouver qui ils sont un peu avant moi, ils ont pu transitionner un peu avant moi… Maintenant que je suis en paix avec mon identité, mes amis m’aident tous les jours, car je suis entouré de gens qui savent et m’acceptent. |
Racontez un moment très fort de votre transition. |
Je n’arrive pas à en choisir un, donc je nomine à chaque fois qu’un inconnu me regarde confus, et me sort « Euh, monsieur, madame…? Je sais pas… » Je sais que certains le prennent mal mais ça me fait marrer à chaque fois et ça me fait réellement plaisir de savoir que les gens évitent de me genrer sans savoir. |
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ? |
Si tu veux être quelque chose d’autre, rien ne t’en empêche. Il n’y a que toi pour décider ça. Le genre, c’est personnel, ça peut prendre des années à se trouver, ça peut jamais se trouver. L’important c’est pas un terme pour son identité, c’est d’être heureux. |