Présentez-vous en quelques mots |
J’ai 25 ans, je viens d’un milieu social pauvre mais aujourd’hui je m’en sors mieux, je vis avec mon partenaire qui est, lui aussi, trans. J’ai commencé ma transition sociale il y a 2 ans et demi, la prise d’hormone il y a 2 ans et j’ai changé de prénom officiellement mais pas encore d’état civil. |
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ? |
Ayant grandis avec un frère faux jumeau, j’ai passé mon enfance à adorer les vêtements du rayon « homme » sans oser en porter, à jouer à des jeux vidéo où je pouvais incarner des hommes et je traînais toujours avec les garçons dans la cour de récré. J’étais un « garçon manqué ». Puis, je me suis rendu compte que ma perception de moi-même collait avec celle d’une personne trans vers mes 13 ans, quand je suis tombé sur un reportage à la TV sur un garçon transgenre. Malheureusement, ce reportage était très négatif et envoyait comme message que c’est « horrible » d’être un homme trans, que malgré tous les efforts qu’il faisait il ne serait « jamais vraiment un homme », j’ai pris peur et je me suis dit que jamais je ne « finirai » comme lui. Les neuf années qui ont suivis, je n’avais plus le souvenir de ce jour-là, je pleurais souvent sans savoir pourquoi et j’avais la constante impression d’avoir oublié quelque chose d’important mais je ne m’en rappelais pas… J’ai essayé d’être beaucoup plus féminin pendant mon adolescence, à porter des talons tous les jours, à me maquiller et je portais des robes pour la première fois de ma vie ! Puis, pendant, mes études, je suis allé vers un style punk, de nouveau « garçon manqué » mais je n’arrivais toujours pas à me sentir à ma place. En janvier 2016, je me suis inscrit sur twitter, j’ai commencé à m’intéresser au féminisme, j’appris alors que les personne transgenres existaient mais je ne me sentis toujours pas concerné. En juin je suis alors tombé sur une vidéo d’une femme transgenre qui parlait de son vécue au travail, puis je suis allé voir son témoignage et je me suis rendu compte que nos parcours depuis la tendre enfance se ressemblaient énormément, que ce soit au niveau des actes ou des sentiments perçus. Pendant des mois j’ai réfléchi à cette possibilité d’être trans, j’étais très triste et j’avais très peur mais grâce à des amis, j’ai pu leur en parler et une amie m’a alors parlé d’une association trans qui faisait des permanences dans la ville. Elle m’a alors mis en contact avec un des membres de l’association, qui m’a retrouvé et m’a accompagné à une permanence. C’est depuis ce jour que j’ai compris que j’étais trans. |
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ? |
Je passais beaucoup de temps sur twitter lors de mon questionnement. Beaucoup de personnes parlaient de transphobie, témoignaient des violences subies dans la vie de tous les jours. Ça me faisait vraiment peur et je pensais que je ne pourrai pas tenir le coup, je croyais vraiment que tous les jours de ma vie je subirais de la transphobie. Mais lorsque je suis allé à ma première permanence, j’ai rencontré des personnes trans de tous âges et avec différents parcours, beaucoup de choses positives en sont sorties. Bien sûr il y avait des témoignages négatifs mais le fait de voir et de parler avec des personnes qui ont commencé leur transition des années auparavant m’a donné beaucoup d’espoir et de confiance en moi ! J’avais peur de finir ma vie seul, sans personne, de ne pas pouvoir travailler. J’étais en dépression et je venais d’arrêter mes études prématurément. Mais en rencontrant des personnes trans qui avaient un.e ou plusieurs partenaire.s, qui faisaient un travail ou essayaient de vivre de leur passion, qui étudiaient, je me suis rendu compte que transitionner n’avait pas tant d’impact négatif dans la vie, beaucoup plus de positifs, même si certaines choses pouvaient devenir plus compliquées. Puis, avec le temps je pris de plus en plus confiance en moi, me faire genrer correctement et utiliser mon nouveau prénom m’apportait tellement de bonheur, je savais que je faisais le bon choix. |
Comment se sont déroulés vos coming-outs ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ? |
Mon coming-out auprès de mes amis s’est très bien passé, la plupart savaient déjà ce qu’était une personne transgenre, je leur ai fait mon coming-out de vive voix, lorsque je les voyais. Quelques amis ont pris plus de temps à utiliser le bon prénom et à me genrer correctement, mais je n’ai pas eu de mauvaise expérience. En ce qui concerne la famille, en France je n’ai que mon frère et ma mère. Le reste de ma famille vit dans mon pays d’origine, ils ne comprennent pas et je ne les ai pas vu depuis des années, j’ai une cousine éloignée, féministe, qui est très contente pour moi. J’avais amené mon frère à une présentation de la transidentité dans un amphi d’une fac de la ville bien avant d’être sûr et certains que j’allais transitionner. Donc le jour où je lui ai dit de m’appeler Matias et de me genrer au masculin il m’a répondu « ok » et il n’y a pas eu de soucis particuliers. Pour ma mère ce fut plus compliquer et plus long, j’étais « sa fille chérie », elle était fière d’avoir une fille et un garçon depuis toujours. Les mois où j’étais en questionnement, elle se doutait que quelque chose n’allait pas, je ne dormais presque plus, je sortais énormément et je ne lui parlais plus beaucoup. Je lui ai fait mon coming-out un samedi soir, ma mère ne travaillant pas le week end. Depuis plusieurs jours j’avais décidé de la date, je l’ai fait s’asseoir dans le canapé et je lui ai tout raconté, depuis que j’étais petit, mon questionnement et mes doutes. Elle m’a dit que qu’importe les choix dans ma vie, elle m’aimerait toujours. Mais j’ai fait l’erreur de lui dire que je n’étais sûr qu’à 80%, je n’avais pas de prénom sur le moment et je lui ai juste demandé de me genrer au masculin, de ne plus utiliser mon deadname, le temps que j’avance dans ma réflexion. Les mois qui ont suivis, j’ai dû ré expliquer plusieurs fois à ma mère que je n’étais pas lesbienne, ce que ma transition allait impliquer en termes d’hormone etc. Les discussions étaient difficiles, et comme lors de mon coming-out j’avais exprimé un doute, elle pensait que ça allait me passer. Elle ne me genrait plus et utilisait parfois mon deadname sans faire exprès. Trois mois après mon coming-out je l’ai emmené à une permanence pour proches et familles de personne trans, ça lui a fait beaucoup de bien et en sortant elle m’a promis de m’appeler Matias et de me genrer correctement. Cela lui a pris plusieurs mois, mais elle a fini par le faire. Un an et demie après mon coming out, elle fait partie de l’association et dirige les permanences pour les familles de personnes trans et rencontre des parents régulièrement pour les aider à respecter le choix de leur enfant trans et pour les rassurer ! |
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition. |
Le fait d’avoir eu plusieurs personnes de mon entourage qui connaissaient l’existence des personnes trans et qui n’avaient pas de problèmes à changer de pronom ou de prénom pour me parler m’a énormément aidé ! J’ai pu transitionner petit à petit, tester des pronoms, parler franchement avec mes amis les plus proches pour ensuite avoir la force d’en parler à mon entourage qui, étrangement, connaissait déjà les personnes transgenres, même parmi des amis absolument pas militants ou féministes ! J’ai passé plus d’un an et demie à aller aux permanences chaque mois dans ma ville, ça m’a donné tellement de forces et de répondant ! On parlait de nos problèmes, de nos joies, on s’entraidait face à des situations difficiles. J’ai beaucoup appris à ne pas me laisser faire et j’ai pu m’affirmer plus facilement, je m’y suis fait plusieurs amis également ! Dès que j’avais trop peur de faire quelque chose lié à ma transition, je demandais de l’aide auprès des personnes trans que je connaissais. Que ce soit pour la première injection d’hormones ou pour déposer un dossier en mairie, j’étais toujours accompagné dès que j’en ressentais le besoin. Par la suite, j’ai aidé d’autres personnes trans à faire ces démarches, c’est toujours plus rassurant de ne pas être seul lors de ces moments-là. Aussi, rencontrer mon compagnon actuel m’a permis d’avoir encore plus confiance en moi. On a passé beaucoup de temps à discuter de nos transitions, à s’entraider et à essayer de se construire en tant qu’homme dans cette société. Sans toutes ces personnes autour de moi, je n’aurai peut-être pas eu la force de transitionner. J’ai appris à demander de l’aide, à parler de mes sentiments et de ce que je ressens, ce qui ne m’étais jamais arrivé avant ma transition. Je gardais tout pour moi, tout le temps, je ne demandais jamais d’aide, transitionner m’a permis de m’ouvrir aux autres et c’est très agréable d’avoir des personnes autour de soi sur qui on peut compter ! |
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ? |
Transitionner m’a permis de devenir moi-même, de m’affirmer, de vivre à 100%. Depuis ma transition j’ai l’impression d’avoir enfin commencé ma vie, ça me fait énormément de bien. Aujourd’hui je suis très heureux, mon prochain objectif est de changer d’état civil pour pouvoir être tranquille et ne plus me battre pour recevoir des courriers avec la civilité « Monsieur ». Cela fait deux ans que j’ai commencé à prendre des hormones et je ne regrette pas du tout, je ne m’attendais pas à grand-chose en commençant donc chaque changement du corps a été une victoire ! J’ai eu une voix très grave au bout de 4 mois d’hormone, ce qui m’a permis d’avoir un cis-passing assez rapidement. Au bout de 6 mois mon corps et mon visage ont changé tellement vite que j’ai mis 1 mois à connaître mon visage à nouveau ! J’ai pu trouver du travail assez rapidement et je n’ai jamais eu de soucis auprès de l’administration de mes employeurs pour la civilité. J’ai mis du temps à m’habituer à ce qu’on m’appelle « Monsieur » mais travailler dans la vente et entendre des clients m’appeler « Monsieur » des dizaines de fois par jour m’a aidé et fait beaucoup de bien. Quand je repense à l’état de désespoir dans lequel j’étais pré-transition (j’étais sûr et certains de finir ma vie seul, alcoolique et triste) je me sens encore plus conforté dans l’idée que j’ai fait le bon choix. Aujourd’hui je vis avec mon compagnon, on est très heureux, on a un chien et pleins de projets ! |
Racontez un moment très fort de votre transition |
La première fois où je suis allé à une permanence pour les personnes trans ou en questionnement. J’étais très stressé, mais en partant le soir j’étais tellement heureux ! En rentrant chez moi je me suis regardé dans le miroir, et pour la première fois depuis des mois j’ai souris en me voyant. Cela peut sembler sans importance, mais à l’époque je ne pouvais plus me regarder sans avoir envie de pleurer, j’avais enfin fait la paix avec moi-même. |
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ? |
Se rapprocher auprès de l’association trans près de chez soi ! Il y en plein en France, même s’il n’y en a pas dans votre ville, envoyer leur un mail. Parfois des personnes de l’association peuvent vivre près de chez vous et feront du covoiturage les jours de permanence. Certaines associations peuvent même se déplacer dans votre ville pour rencontrer vos parents. Ce qui compte c’est de pouvoir rencontrer d’autres personnes trans et de pouvoir parler librement ! Parfois, à force de lire des témoignages négatifs en ligne on peut croire qu’une transition est très difficile et apporte plein de difficultés dans la vie, ce qui n’est pas le cas. Sur les réseaux on parle plus souvent des choses négatives qui nous arrivent, pour se sentir soutenu et moins seul. Mais il faut se dire que les personnes trans ne vont pas toujours partager sur les réseaux les choses positives de leur vie, ça il ne faut pas l’oublier. |