Du coup je m’appelle Nausicaä, je suis un femme trans de 22 ans hormonée depuis 9 mois et je suis out auprès de toutes les personnes que je connais pré-transition, j’essaie de vivre la plus possible en stealth car je déteste être renvoyée à ma transition par des personnes dont je ne suis pas proches et être l’objet des fantasmes de cis.
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
J’ai un peu l’impression que la manière dont j’ai réalisé que j’étais trans est assez peu répandu car j’avais pratiquement pas de signe avant coureur ou quoi, ce qui m’a énormément fait douté – et ça le fait toujours parfois – avant que je ne me décide a commencer ma transition.
Pcq en réalité c’est très vraiment super tard que j’ai commencé à avoir des doutes, j’avais 20 ans, j’étais un mec dans une relation hétéros toxique dont j’apprend encore à me dépêtrer, bien intégré dans un milieu social de classe moyenne aisé et blanc (père cadre et mère infirmière a mi-temps).
Je m’étais jamais trop posée de question sur mon genre, j’avais pas conscience que transitionner était une possibilité. Je me disais simplement que j’étais mal dans ma peau, que j’étais bizarre et que c’était pour ça que j’ai passé une grande partie de mon enfance seul, et, rétrospectivement je me rend compte que j’ai été en dépression sans avoir jamais pu poser de mot dessus à l’époque.
A part avoir un ou deux très bons amis j’étais souvent seul, que ça soit en primaire ou au collège, un peu moins au lycée. Et globalement je détestais les garçons, j’étais trop timide pour parler aux filles qui m’impressionnaient beaucoup trop du coup je passais la plupart du temps seul ou à supporter les autres mecs dont le virilisme et l’esprit compétitif reposant sur les démonstrations de forces, sur des campagnes d’humiliation des autres me dégoûtais.
Enfin bref ouais je me sentais pas à ma place, je me reconnais pas chez eux, je me détestais et méprisais les autres.
Ça m’est arrivé de pleurer la nuit en regardant et en découvrant mon corps mais jamais j’ai pu faire de lien avec mon identité, je me sentais beaucoup trop vide pour me poser la moindre question dessus.
Et c’est pour ça qu’a 20 ans, d’abord pcq j’ai rencontré deux amies qui comptaient transitionner, et ensuite avec des ressources qui sont beaucoup plus accessibles qu’avant, je me suis juste prise d’une sorte de curiosité au début, qui est devenu une vrai question. J’ai écumée le plus de site possible, lu les témoignages que j’ai pu trouver et ça résonnait en moi pas facile d’expliquer pourquoi.
Parallèlement à ça j’essayais de faire mon éducation féministe et je pense que mon dégoût pour les hommes que j’ai pu fréquenter un peu dans toute ma scolarité avec le fait que je lisais un peu partout que men are trash ça m’a aussi donné envie de trouver un moyen d’être solidaire avec les femmes, pourquoi pas en arrêtant d’être un homme ?
Enfin ouais en fait j’ai compris que j’étais trans le jour ou j’ai découvert que les personnes trans existaient et qu’une transition n’était pas impossible et au contraire très faisable.
Du coup pour moi ça m’a vraiment donné le sentiment de trouver la clé de la cage qui m’étouffais depuis ma naissance, c’était difficile car ça remettait en question absolument tout ce autours de quoi je m’étais construit d’un coup, je me disais que c’était pas possible puis il a fallu que je l’accepte.
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
Alors mes principales inquiétudes :
- J’avais peur d’être trop âgée, enfin j’ai l’impression que quand on a pas commencé sa transition à 12 ans avec les bloqueurs de pubertés on est forcément trop âgée pour la plupart des cis, mine de rien ça m’a posé bcp de problème dans les remarques que j’ai pu prendre et dans ma confiance en moi, il a fallu juste que je me renseigne un peu pour me rendre compte à quel point cette idée est fausse en plus.
- De pas avoir de passing, que la transition ne suffise pas, d’être perçu comme une sorte de freak pour le reste de ma vie par les gens : j’avais réussi à finalement à peu près me conformer et l’idée de revenir à un point ou je pourrai être isolée à nouveau ça me faisait terriblement peur.
Alors qu’en réalité, des transitions on sait en faire et le passing est un point moins central que ce qu’on pourrait imaginer, ca vient avec le temps, avec de la patience, avec des vêtements, un style, des accessoires, des habitudes et pour quand y’a besoin les hormones qui font un travail très puissant.
Etre « démasquer » ça reste une peur assez récurrente mais ca va de mieux en mieux avec la transition qui avance.
- Que ma dysphorie ne parte plus et j’avoue que si elle revient périodiquement, c’est beaucoup moins qu’avant, c’est tout sauf une fatalité et transitionner peut vraiment sauver la vie vis a vis de ça notamment.
- De passer ma vie seule, je suis lesbienne, et être une femme qui n’aime pas les hommes n’a pas été qqchose de très compliqué a gérer pour moi par contre la peur de ne plus jamais trouver une personne qui nous aimera en retour à cause de ce qu’on est c’est un truc assez omniprésent.
Je vais pas étaler ma vie mais juste c’est faux, être trans n’empêche pas de trouver une amoureuse et d’être aimé en retour et d’être considéré comme ce qu’on est, dans mon cas comme une femme. On est pas destiné à l’isolement et la solitude même si c’est ce qu’on a trop tendance a croire nous même.
Comment se sont déroulés vos coming-outs ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
La première personne à qui j’ai fait mon coming out c’était mon ex, je pouvais pas lui cacher grand chose et donc je lui ai assez rapidement dit que je me posais des milliers de questions sur mon identité. Elle m’a dit qu’elle me soutiendrai, puis qu’elle ne m’assumerait pas en robe, puis que je lui faisais honte à porter du vernis devant des gens qu’elle connaissait, que c’était sur elle que se tournait les regards, puis qu’elle m’aimerait même si j’étais une femme, puis que je n’en serai jamais une, au fond elle avait beau prétendre elle me haïssait d’avoir choisi de m’écouter plutôt qu’elle je crois.
J’étais trop isolée et dépendante pour sortir immédiatement de là et la situation s’est étalée sur des mois, ma dysphorie était à son maximum et j’avais envie de me foutre en l’air et de disparaître plus que n’importe quand dans ma vie.
C’est pour ça, n’en parlez pas qu’a votre conjoint si vous en avez la possibilité, vous aurez besoin d’une personne extérieur si vous êtes dans cette situation pour vous apporter du soutien et vous aider à comprendre dans quoi vous êtes piégé si c’est le cas, autrement ca peut aussi tout à fait bien se passer avec un-e conjoint-e.
Heureusement c’était mon coming out aux conséquences les plus difficiles, je me suis rapprochée d’ami-es qui m’ont très certainement, même si iels s’en rendent pas forcément compte, sauvé la vie.
Je leur ai envoyé un message groupé complètement bourrée (c’est pas un conseil que je donne mais j’avoue que j’étais tellement dans une période difficile que j’aurai pas pu le faire autrement) peut être 6 mois après mon premier CO et ça a vraiment été un moment d’euphorie : j’étais soutenu, apprécié, valorisé, c’est grâce à eux que j’ai pu franchir rapidement le pas pour transitionner et que j’ai trouvé le courage de me plonger dedans.
Pour mes parents c’était légèrement plus compliqué puisque mon ex leur avait envoyé un message pour leur annoncer notre rupture en leur disant que « c’était bien que je me découvre » (rappel : n’outez jamais quelqu’un merci), ils ont donc cru que j’étais gay et j’ai du leur dire que j’étais non-binaire à ce moment là. J’ai eu extrêmement peur de ce qu’il pourrait se passer mais finalement j’ai été assez peu prise au sérieux et je pense qu’au final ça m’a un peu aider a préparer le terrain pour quand j’ai du faire mon coming out en tant que femme.
Mon père en l’apprenant plus tard a conditionné mon accès aux hormones au fait d’aller voir un psy mais je crois que c’est parce qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait du coup j’y suis allé deux fois, le psy m’a bien confirmé que j’étais trans et puis il a finit par aller le voir pour lui poser un tas de question et l’accepte mieux depuis.
Pour eux ainsi que le reste de ma famille je m’étais préparé une sorte de discours que je me répétais le plus souvent possible, j’avais tellement peur que ça se passe mal mais j’ai quand même fini par en parler et les réactions allaient du soutient par certains, ou alors étaient assez neutre, y’a que mes grands parents d’un coté qui m’ont littéralement répondu que non ils ne changerai rien, que c’était pas leur problème mais le miens en somme, j’avais tellement honte.
Du coup l’ambiance est un peu étrange, je me fais toujours mégenrer et parfois on utilise mon deadname, mais ça va mieux, ça semble s’améliorer je crois, enfin sauf du coté de ces grands parents.
Ah et j’ai aussi fait un CO sur facebook pour arrêter d’être terrorisée par la possibilité de croiser des personnes que je connais alors que je suis devenu une meuf, j’ai pas eu de réactions négatives mais j’étais prête à bloquer à vue, j’ai aussi invité les personnes a qui ça posait le moindre problème à dégager d’eux même de ma liste d’amie et je recommande ça à surement dû en faire réfléchir quelques uns.
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition.
Du coup comme j’ai dis les personnes qui m’ont aidé durant ma transition sont avant tout mes amies. J’ai très vite été inclue comme une femme une fois mon CO fait, j’ai reçu un soutien qui a vraiment tout changé pour moi et qui m’a vraiment permis de commencer tout plein de démarche.
J’ai changé de style vestimentaire, me suis laissé pousser les cheveux (et me les suis teint c’est une étape répandu je crois), j’ai commencé à prendre soin de moi. Même faire du shopping entre meufs à commencé à me plaire de temps en temps (alors que je supportais pas le shopping quand j’étais un mec mais en même temps vu les fringues des mecs aussi…).
Pour les médecins et les praticiens ce sont les associations et quelques personnes trans rencontrés en ligne qui on pu m’aider et qui ont fait que tout ce passe bien.
Bref j’ai clairement reçu du soutien et je pense qu’être entouré de personne qui nous soutienne c’est l’une des choses vraiment importante dans une transition.
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
Alors oui oui oui et oui ça vaut le coup. C’est surement la meilleure décision que j’ai prise de ma vie. C’est vraiment pas quelques chose de facile je dirai jamais ça mais juste avoir des moments ou tu te sens a peu près correctement dans ta peau, que tu sais que tu es toi même, que tu te sens à ta place c’est plus important que toutes les épreuves qui vont se poser.
Et globalement ma transition se passe très bien, grâce aux associations que j’ai contacté et aux ressources en ligne (notamment Wiki Trans <3) j’ai pu choisir mes médecins et faire ma transition à mon rythme, tout c’est super bien passé jusque là j’ai très rarement eu des soucis et quand c’était le cas ils étaient soit surmontable soit à mettre plus sur le dos de mon anxiété qu’autre chose.
Et du coup je savais pas trop quoi attendre comme résultat mais je dirai que pour le moment c’est ultra positif et sur le bon chemin, j’ai pas encore réussi a sortir totalement la tête de l’eau mais je suis certaine que la suite de ma transition va me permettre de prendre plus confiance en moi et que ça va aller de mieux en mieux ! Je compte commencer à prendre de l’androcur pour pallier certains trucs qui me dérange encore mais ça se profile bien du coup.
Racontez un moment très fort de votre transition
J’ai subie une agression transphobe dans un mcdo car j’étais encore au début et que j’étais reconnu comme « un mec en robe », j’étais terrorisée et j’ai rien pu faire car ma confiance était a zéro à ce moment là mais heureusement ma pote lui a foutu une claque et le pote du type c’est mis à le retenir alors qu’il mettait des coup de pied dans le vide. Personne à réagi autours de nous.
Aujourd’hui on se moque de lui quand on y repense et ça m’a rendu super plus sur la défensive avec les types comme ça, je me laisserai plus faire, je me balade plus sans ma gazeuse et j’ai très envie d’apprendre à me battre et faire de l’autodéfense féministe parce que vraiment si on réplique pas en tant que meuf personne le fera pour nous.
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
Le conseil principal que je veux donner c’est vraiment de pas avoir peur de se lancer, si vous vous reconnaissez dans les témoignage de personnes trans, si vous avez un doute sur votre d’identité de genre, réfléchissez, prenez le temps de vous posez vous les questions, la transition peut vraiment sauver des vies.
Si c’est possible ne restez pas seule, l’isolement c’est un obstacle très important dans une transition, contactez des assos, rejoignez des communauté d’entre-aide, cherchez du soutien ou vous pouvez c’est vraiment méga important.
Pour votre CO ou si vous voulez parler vos questionnement faite le auprès de plus d’une personne car ça limite la possibilité de se retrouver face à quelqu’un qui vous impose sa vision de ce que doit être notre transition ca peut vraiment avoir des conséquences terribles, parlez en à quelques personnes en qui vous avez confiance ou des personnes trans que vous rencontrez en ligne par exemple.
Le passing faut se rassurer dessus, ça s’obtient très largement, les cis se posent pas 25000 question en vous voyant en réalités et si nous on est capable de faire une crise d’angoisse sur un petit duvet de barbe, ou des épaules trop carrés ou quoi eh bien la plupart des gens vont pas le remarquer.
Perso les remarques super malvenus sur mon passing viennent de ma famille pas de personne que je ne connais pas.
Personnellement j’ai commencé ma transition par le travail de la voix parce que c’est une chose qui m’angoisse énormément mais certaines femmes ont la voix grave et c’est absolument pas nécessaire d’avoir un passing vocal parfait pour etre perçu comme femme.
Si vous cherchez des praticiens transfriendly y’a le site bddtrans.fr qui pourrait vous être super utile.
Dernier conseil, prenez soin de vous, vraiment ne délaisser pas l’importance de votre santé et de votre bien-être, si vous ressentez le besoin de faire une transition on pourra toujours trouver une solution et des gens seront là pour vous, vous n’êtes pas seul-e.