Je suis Agathe, femme trans, designer. 29 ans, brune, cheveux bouclés indomptable dont la coiffure repose trop sur l’aléatoire.
Content Warning : Suicide.
(Note : il ne s’agit pas de la fondatrice du site. Il y a plusieurs Agathe donc on précise 😉 )
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
Quand je suis née, on a dit, cet enfant sera un garçon.
J’ai donc grandi avec cette idée : Je suis un garçon. Je suis seule, et je suis un garçon. Je suis seule car je ne m’y retrouvais pas parmi les autres garçons, et car apparemment j’en suis un aussi, je ne suis pas acceptée par les filles. Du coup je passe mon enfance dans la solitude. L’école est difficile, je n’ose pas parler, j’ai honte de tout, et surtout de moi, je m’enferme dans l’imaginaire. Mes parents pensent juste que je suis un enfant rêveur et solitaire, ils voient bien que quelque chose ne va pas et pensent que ça vient de l’école.
Vers 8 ans, dans mon imaginaire je suis une femme. Je ne comprend pas, je ne connais pas la transidentité, et pour évacuer cette douleur je me mutile le sexe avec des ciseaux. je n’en ai jamais parler. Voir mon sang couler sur mon sexe m’amènera à faire un gros déni et à avoir des habitudes mutilatrices, la douleur physique permettant d’atténuer ma douleur mentale. A partir d’ici, les idées noires me suivrons dans mon évolution. Je n’ai jamais fais de tentative de suicide mais je ne peux plus compter les fois ou l’idée était présente.
Je me pose des questions sur ma féminité, je pense être homosexuel mais vu que mes sentiments vont pour les femmes, je me dit que le problème vient de moi, je ne peux pas être ou me sentir femme si je n’aime pas les hommes.
Lors de mes premières expériences amoureuses j’ai compris que je n’aimais pas faire l’amour. Où du moins, je n’aimais pas faire l’amour comme on aurait voulu que je le fasse. Dès que l’acte était finit je trouvais le prétexte d’une toilette intime pour aller pleurer dans la salle de bain. J’étais pleine de honte, j’avais l’impression d’avoir souillée ma partenaire, j’étais jalouse du corps de mes copines. J’étais invivable.
Ça a duré ainsi jusqu’à mes 20 ans.
Puis j’ai rencontré ma compagne. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé à ce moment, je ne l’explique pas. A partir de ce moment j’ai été en paix. Je suis un garçon, amoureux, en couple avec une fille que je rend heureuse, et je ne suis plus jalouse. Je renferme toute cette féminité très loin en moi : pas question qu’elle vienne tout gâcher.
Ça a duré 9 ans.
Puis un jour j’ai compris que je vivais au travers de ma copine. La voir heureuse me remplissais de joie, elle rayonnait pour deux, alors je me cachais derrière elle. Mais quand elle partait mes idées noires revenaient.
Puis un jour le mal-être d’autrefois est revenu, toujours plus fort, toujours plus violent. Je l’avais presque oublié. Sauf que là j’ai 29 ans, et j’ai déjà entendu des sujets liés à la transidentité. Je vais mal, je me pose beaucoup de questions, et j’ai peur de tout perdre. Je songe très sérieusement au suicide.
Au moment de passer a l’acte je prends peur, je panique et je prends un rendez vous chez un psy. Je lui parle de mon mal-être et confirme ce que je pense savoir depuis déjà très longtemps : je suis trans.
Ma copine ne comprends pas, mais elle voit que je remonte lentement la pente alors elle me soutient. On se dispute souvent, c’est pas facile d’accepter l’idée pour elle. Mais je ne PEUX pas ne pas faire de transition. Je ne peux plus me mentir plus longtemps. Je cherche de l’aide sur internet, je trouve des gens formidables de bons conseils, je ne les remercierai jamais assez.
Je prépare une lettre de coming out pour mes proches. Tout va très vite, mais jamais assez pour moi.
Aujourd’hui, tout va bien, je m’appelle Agathe, j’ai du annuler mon mariage, mais on a décidé de rester ensemble et de se donner le temps de se redécouvrir.
Un retour à 0. Ma famille me soutient. Ma sœur m’a avouée qu’elle comprend mieux mon enfance à présent. Mes amis me soutiennent, et tous font des efforts pour ne pas me mégenrer et ce dès le début, avant même le début du traitement hormonal.
Forcement c’est pas facile, les repas de famille sont … bizarre, car même si « ils me soutiennent », ça fait bizarre pour eux. Ma relation avec mes parents change, je le sens, mais a présent je suis en paix et j’avance dans ma transition beaucoup plus sereinement.
Passée la période de déni de ma conjointe nous avons réussi à trouver un équilibre et nous sommes actuellement très heureuses.
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
J’en ai eu beaucoup, la plus grande fût : ne suis-je pas trop âgé ? Comment sera mon passing ?
Ne connaissant pas de personne trans, j’ai au début chercher un peu d’aide, en premier lieu sur des forums, mais je ne suis pas tombée aux meilleurs des endroits, puis, par hasard je suis tombée sur le Twitter d’Agathe (Entropea).
C’est Agathe (La créatrice du Wiki Trans, Entropea) qui à su me rassurer sur de nombreux points, pas lors d’une discussion, mais par ses témoignages qu’elle à laissé un peu partout sur internet.
J’ai pu voir que malgré son charisme actuel, elle aussi est passée par des moments de questionnement, comme je traversais. Et ça m’a rassurée.
A partir de ce moment, j’ai décidé de me reprendre en main. J’ai été à des groupes d’accueil par des associations trans de ma région, j’ai fais des rencontres.
Un jour, lors d’une discussion Agathe m’a dit « je compte sur toi pour être forte », cette simple phrase fût peut-être celle qui m’a le plus aidé. Depuis j’essaie de l’être.
Comment se sont déroulés vos coming-outs ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
Mes coming out se sont plutôt bien passés je suis chanceuse de ce coté là. Il n’y a eu que des réactions positives ou neutres.
Je ne suis out qu’auprès certains de mes amis, ma famille proche (parents, sœurs).
Je ne le suis pas au travail, car, évoluant dans un univers machiste, je ne compte pas leur dire, je changerais de travail dans l’année.
Je ne le suis pas auprès de mes oncles et tantes, je n’ai pas eu l’occasion et j’avoue que je n’ai pas envie de le faire actuellement, mine de rien les coming out demandent beaucoup d’énergie, et je préfère la dépenser ailleurs pour le moment.
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition.
Malheureusement je suis plutôt seule. En véritable allié je n’ai que ma conjointe, qui est un vrai pilier, qui m’aide dans mes démarches.
Une autre personne qui m’aide beaucoup c’est Agathe, j’apprécie nos discutions et mine de rien ça compte beaucoup.
Mes amis acceptent, c’est déjà bien, mais ne sont malheureusement pas présents. Surement aussi car ils sont loin, je n’ai plus qu’une personnes vivant dans ma région.
Racontez un moment très fort de votre transition
Positif :
Ma grande sœur, qui est ma demi sœur, que je connais mal, nous n’avons pas grandi ensemble, est celle qui m’accepte le plus dans la famille.
Elle m’a appelé frangine, et continu de le faire régulièrement, même face à face.
Négatif :
Ma petit sœur à révélé sa grossesse peu de temps après ma prise de conscience et ma mère m’a reproché d’avoir fait mon coming out a cette période, car « je vol l’attention que méritait la grossesse de ma sœur avec mes trucs de trans. »
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
N’oubliez pas que c’est pour le meilleur, que vous n’êtes pas seul.
Il ne faut pas rester seul dans les moments difficiles, et si vous n’avez personne je vous encourage à venir sur internet, il y a plein de personnes qui pourrons vous montrer que vous n’êtes pas seul.
Ce que j’ai le plus mal vécu durant toute ma vie c’est la solitude. Et si vous êtes dans le même cas, que vous en avez besoin, je vous en prie, venez me parler. Je ne vous garanti pas d’être une personne intéressante, d’avoir de grands sujets de conversation, mais si ça peux vous aider, venez.
Et n’oubliez pas que je vous aime, qui que vous soyez. Il n’y a jamais assez d’amour dans ce monde.