Présentez-vous en quelques mots. |
Bonjour,
Je m’appelle Alexis, j’ai 26 ans d’ici 2 mois et je suis une femme trans. Je suis élève-avocate, suite à 6 ans d’études en droit. J’ai un peu bossé pendant 2 ans puis je suis rentrée en école pour devenir avocate. Sur le parcours de ma transition, j’ai commencé le traitement hormonal fin 2018 après rendez-vous avec mon médecin traitant, puis une endocrinologue et un psychiatre. Le laser pour la barbe a débuté mi-2019. Je débute le suivi psy et orthophoniste début février 2020. Je prends mon temps dans ma transition, ça me permet de voir où je vais et de ne pas me perdre. |
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ? |
Je vais distinguer : il y a eu le moment où j’ai compris que j’étais trans et le moment où j’ai eu le courage de débuter ma transition. Entre les deux, 17 années se sont écoulées. J’ai compris que j’étais une gamine vers 7-8 ans, du fait de mes aspirations de gamine. Je voulais être comme les autres, mêmes habits, mêmes façons d’être. J’ai rapidement eu à l’esprit que j’étais trans parce que je bloquais sur toutes les apparitions de personnes trans à la télé. La plus marquante fut cette femme dans un reportage du JTde TF1, à la fin des années 1990, début des années 2000.
Mais j’ai aussi compris que je ne pouvais pas le dire ni le montrer du fait de ma famille. Je n’ai jamais oublié, ni mis de côté. Je savais que je transitionnerais un jour, je ne savais juste pas quand. Alors j’ai attendu mes 23-24 ans pour me lancer dans l’aventure ! J’avais terminé mes études (pas vraiment du coup), je pensais que je pourrais trouver du travail facilement (pas vraiment pour le coup) et j’avais envie de mettre fin à cette grosse phase de déprime. J’ai pris mon courage à deux mains et j’en ai parlé à mon médecin traitant qui a lancé la machine. |
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ? |
Concernant la dysphorie, c’est le temps qui y met fin de mon vécu. Je n’aimais pas mon reflet depuis des années. Là, après 15 mois de traitement et un peu de laser, ça va mieux. J’irai encore mieux avec le laser de fini. Mon objectif est de féminiser mon corps : plus il se féminise plus ma dysphorie disparaît. Sur la peur de se lancer, c’était juste un effort à faire pour moi, mon environnement étant favorable : famille un peu ouverte, amis ouverts et sensibilisés, fin des études, expérience professionnelle.
Toutefois j’avais des inquiétudes, même après avoir lancé la machine. Mes inquiétudes étaient de plusieurs ordres : – physique comme j’avais déjà 23-24 ans ; Physiquement, j’avais le corps d’un homme de 23-24 ans. Donc des épaules, une bonne barbe, un début de perte de cheveux, rien de féminin au sens commun je pense. Et en réalité ces inquiétudes sont parties, parce qu’il y a des moyens de contrer ces effets : le traitement hormonal, le laser et juste le fait de commencer à s’apprécier et de ne plus déprécier son physique. J’ai des épaules plus larges que mon bassin, oui eh bien c’est le cas de nombreuses femmes. C’est ainsi et ça fait partie de « ma beauté ». Familialement, mes parents n’ont pas mal réagi. C’est idiot à dire, mais mes parents m’aiment vraiment en tant que leur enfant et rien ne pourra changer cela. J’imagine que j’ai de la chance compte tenu de ce que l’on peut lire et entendre, mais ça arrive. Aussi, mon âge et ma situation ont sûrement joué. Mes parents n’avaient plus rien à me dire sur ma façon de vivre et je leur avais déjà suffisamment fait comprendre. Sûrement que le fait de s’affirmer a joué. Amicalement, personne ne m’a lâchée pour le moment. Il y a des maladresses mais pas de mauvaise volonté. Tout dépend de comment on voit les choses : personnellement je n’impose rien à personne, mes amis me genrent comme ils le souhaitent et je laisse couler. Au final désormais ils sont plus à me genrer au féminin, comme quoi ça vient avec le temps ! Sociétalement, je ne sais pas comment je suis perçue alors je ne peux pas dire. Je n’ai eu aucune hostilité, mais il faut dire que je ne suis pas out publiquement. Je ne me maquille pas, ne mets pas de vêtements typiquement féminins. Alors je passe bien comme une femme (puisque j’ai quasi que du « madame » de visu) mais également comme un homme apparemment (dès que je parle, mais jamais personne ne m’a questionnée ou montré d’agressivité de ce fait). |
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ? |
J’en ai parlé à quelques amis en face à face. Jamais plus d’un à la fois. Puis j’ai laissé l’information circuler par le bouche à oreille. Avec la famille, par SMS à ma sœur, lors d’un repas à ma famille. Pas de préparation, j’ai juste eu à le dire, certes avec la boule au ventre mais ça me semble inévitable. |
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidée durant votre transition. |
Ma sœur et ma mère m’aident bien dans ma transition, par des conseils, par des commissions pour m’acheter des fringues. Et le tout de bon cœur ! Quelques amies aussi m’aident bien ces derniers mois, moralement. Je ne discute pas de ma transition avec ma famille, alors c’est majoritairement elles qui prennent ce que j’ai sur le cœur. Plus justement, tous mes ami·e·s sont mes déversoirs quand j’ai envie de parler de ma transition, et je les remercie de me supporter me plaindre quasiment H 24. |
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ? |
La transition, ça vaut le coup. Ce n’est pas facile tous les jours, il ne faut pas se mentir. Les changements, qu’ils soient physiques ou dans la façon dont les autres nous traitent, retournent un peu le cerveau. Il faut s’y habituer, y aller à sa vitesse.
Mais on gagne tellement en estime de soi et dans ses relations aux autres. On s’ouvre plus et mieux, on s’aime dans le miroir. Personnellement je ne m’attendais à pas grand-chose. Je me suis lancée en me disant « c’est ça ou plus rien », alors vaut mieux ça, qu’importe le résultat. Et oui pour le moment je suis satisfaite parce que j’ai les changements physiques souhaités, je peux m’exprimer telle que je suis, ne plus mentir aux autres. Je m’aime plus, et c’est tout ce que l’on peut se souhaiter à chacun·e. |
Racontez un moment très fort de votre transition. |
Le début du développement de ma poitrine. C’était à la fois drôle, douloureux et satisfaisant. C’est le premier changement que j’ai bien ressenti. |
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ? |
Garder ses ami·e·s proches. C’est plus utile qu’un psy pour déverser tout ce que l’on a à dire sur ce que l’on vit. |