Témoignage

Jael, maman d’un homme trans de 25 ans

Présentez-vous en quelques mots.
48 ans, dessinatrice en architecture, mère (famille monoparentale) de 5 enfants dont l’aîné est trans. Nous avons tous de bonnes relations les uns avec les autres. Nous parlons librement et facilement de beaucoup de choses.
Racontez le coming out de votre proche trans. Comment l’avez-vous vécu ?
Le coming out (il y a 3 ans donc quand il avait 23 ans) a été assez brutal dans le sens où ce n’était pas quelque chose qui avait déjà été abordé, ce n’était pas non plus quelque chose qu’on aurait pu pressentir par une attitude ou un style.

Donc forcément la première chose à laquelle on pense c’est : effet de mode, lubie ?

Puis viennent les recherches sur Internet qui comme quand on recherche de symptômes sur Doctissimo sont complètement anxiogènes !

Ensuite une discussion plus approfondie avec mon fils pour savoir ce qu’il ressent vraiment tout au fond et qui m’avait donc échappé (petite expertise psy en passant alors que je n’ai aucune qualification !).

Et finalement, discussion en tête-à-tête avec moi même ! J’ai essayé de me mettre à sa place (ahaha c’est peine perdue !) mais j’ai compris que pour arriver à dire quelque chose d’aussi énorme et intime à sa famille (ses frères et sœurs et moi), il fallait quand même y avoir longuement songé.

J’ai repensé à son enfance et aux signes que j’aurais loupés (petit moment de culpabilité du coup !).
J’ai lu des témoignages sur le parcours de personnes trans et je me suis dit que pour aller au bout de l’aventure il fallait vraiment que ça soit essentiel à sa vie et sa survie.

Je lui ai donc envoyé un texto (😁) pour lui dire que c’était mon enfant, que je l’aimais (fille ou garçon, qu’importe) que j’étais là et le serais toujours, qu’il fallait juste donner le temps à tout le monde de s’y faire pour ne pas s’isoler (pour le genrer correctement par exemple parce grammaticalement c’était un sacré exercice !) et que ce serait bien d’être suivi pour parler de tout ça avec un pro (de tels changements sur moi m’auraient fait vriller… Mais il ne s’agissait pas de moi !).

Comment le coming out et la transition de votre proche ont-ils transformé votre relation ?
Je ne pense pas que la transition ou le coming out aient changé quelque chose à notre relation.

Sûrement une période où je m’inquiétais plus pour lui (peur des agressions, de la transphobie surtout en début de transition, de la solitude, du rejet des autres…). Mais finalement on a beau vivre en centre-ville, rien de « grave » ne lui est arrivé !

Il a réussi à trouver un boulot (en contact avec le public !) en pleine transition, puis une formation, et est parti vivre en coloc’, a une petite amie (c’est quelque chose qui stresse pas mal de gens ça !)… Les étapes se succèdent au rythme qu’il souhaite. Il a toujours fait toutes les démarches seul (hormonothérapie, mammectomie, changement d’état civil, etc.).

Nous en avons parlé très vite à toute la famille et amis. Ça acte les choses, ça permet de ne pas vivre dans le mensonge ou les excuses foireuses, et finalement de mettre tout le monde devant cette réalité en étant sereins et soudés, ça permet de faire passer les choses en douceur (et ça ne laisse pas le choix non plus 😁!).
Vis-à-vis de ses frères et sœurs, ils ont tout de suite été mis dans la confidence (la plus jeune avait 5 ans !), ils ont été très réceptifs. J’en ai reparlé à plusieurs reprises avec certains sur leur demande et les choses ont repris leur cours. J’ai juste davantage de fils que de filles, maintenant !

Racontez le parcours de votre proche, de votre point de vue. Est-ce que sa transition a un effet positif sur lui ?
La transition en elle-même et tout ce qu’elle demande de démarches, d’argumentation, d’obstination, d’espoir, est déjà à elle seule positive. Je trouve que mon fils a gagné en maturité, en persévérance et en confiance en lui à chaque étape franchie.

Il s’est au fur et à mesure approprié tous ces changements physiques et il est resté beau à chaque changement !

Tout n’est sûrement pas parfait et sa transidentité n’est sûrement pas le seul « problème » qu’il ait à surmonté mais il a su être actif (et ne pas subir passivement) pour remédier à quelque chose qui le rongeait et l’empêchait d’être pleinement lui. Sûrement qu’il pourra se resservir de cette force et de cette résilience si d’autres obstacles se présentent à lui.

Racontez un moment très fort de votre relation depuis le début de sa transition.
Je l’ai accompagné lors de sa mammectomie dans une clinique à 100 km de chez nous. J’ai eu, comme quand il était enfant (!) un lit accompagnant et je suis restée durant toute son hospitalisation.

La peur que l’on ressent quand un enfant part sur un lit en direction de la salle d’opération et jusqu’à son retour m’a fait comprendre que ce qui compte le plus c’est qu’il soit là, qu’importe si c’est avec des attributs féminins, masculins, que j’aie à le genrer au féminin ou au masculin, à l’appeler Pierre, Paul ou Jacqueline.

Il est toujours le même, nous avons eu les mêmes discussions, fait exactement les mêmes choses, j’ai essayé de le réconforter de la même manière (à coups de sucreries !) que depuis toujours.

Rien ne compte plus que sa présence et je le revoyais sur son lit comme le bébé qu’il avait été. À cette époque je l’appelais mon petit cœur et il portait des babygros de toutes les couleurs (et il avait le même doudou !) ; finalement rien n’était différent si ce n’est 1 m 60 de plus !

Un conseil, un message à partager pour une personne qui vivrait la transition d’un·e de ses proches ?
Je pense qu’être effrayé·e par quelque chose qu’on ne maîtrise pas, qu’on ne connaît pas et qui ne paraît franchement pas être ce qu’il y a de plus simple comme chemin de vie est tout à fait normal. On peut l’exprimer !

Après il faut comprendre que le seul changement que l’on aura à vivre est un changement d’apparence, de prénom et de pronom. Rien d’autre ne change, on ne perd pas un·e proche, un fils ou une fille, un·e ami·e, on ne perd personne, grâce à cette transition d’ailleurs.

Qui peut survivre ou bien vivre toute une vie avec ce tsunami en soi sans jamais pouvoir l’apaiser un jour ?

Il faut regarder au-delà de l’apparence, voir ce qu’une personne est à l’intérieur : ses qualités, ses hobbies, ses aptitudes, ses dons, tout ça ne change pas. Et quand c’est notre enfant, il le reste, l’amour viscéral qu’on lui porte reste aussi.

On s’inquiète toujours pour lui, comme on s’inquiète de sa première rentrée, de sa première sortie, de son bac, mais on doit faire avec cette inquiétude sans pression et sans reproche et lui permettre de passer à l’épreuve suivante avec toute notre bienveillance pour qu’il puisse à nouveau la réussir.

L’acceptation et l’affirmation de sa transidentité demandent énormément de courage de nos jours. On devrait tous reconnaître ce courage plutôt que d’ajouter de la souffrance à cette souffrance. Qui sommes-nous pour dire qui doit être fille ou garçon ? Et surtout, qu’est-ce que ça peut bien nous faire ! Nous devons laisser à chacun le droit de faire ce qu’il y a de mieux pour lui, du moment que ça ne nuit à personne d’autre, et c’est bien le cas !

J’aimerais qu’un jour ça ne soit plus un sujet de discussion parce que cela fera partie d’une possibilité de la normalité.

 

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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