Témoignage

Celia, femme trans de 31 ans

Présentez-vous en quelques mots.
J’ai 31 ans et suis d’une famille classe moyenne d’origine paysanne. Je ne cherche pas d’emploi actuellement, j’étais animatrice, formatrice et pédagogue de formation. J’ai commencé ma transition sociale (coming out) il y a presque 3 ans et j’ai commencé mes prises d’hormones il y a 6 mois.
NB : Là où je mets des « guillemets » c’est pour signifier mon désaccord actuel sur le terme utilisé.
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
Ça peut paraître inhabituel ou inattendu pour certain·e·s mais je n’ai pas eu de signes particuliers étant enfant. Pas de robes à maman en cachette, pas d’attirance particulière pour tel ou tel type de jouet… En revanche, j’ai toujours été à côté de la plaque et je n’ai jamais trop compris ce qu’on attendait de moi en tant que garçon. Ou plutôt, j’avais un sens assez pointu de ce que doit faire / être un garçon ou une fille, comment il / elle doit se comporter. Mais moi j’étais en dehors de ça. Je me contentais de répondre aux attentes des adultes, iels avaient décidé que j’étais un garçon, je n’avais pas de raison de les contredire même si je ne voyais pas bien l’importance de tout ça.

Et puis arrivée à l’adolescence, aussi avec les premières relations amoureuses, je me suis sentie de plus en plus mal dans ma peau. J’ai toujours eu des ami·e·s mais là je commençais à envier les femmes autour de moi pour ce qu’elles étaient, pour tous ces comportements et choses qu’elles faisaient, qu’elles pouvaient faire sans question ! Je pense que certaines de mes amies, même si je restais LE pote, ont toujours considéré que j’étais à part des autres mecs (par exemple j’avais le droit d’être là aux soirées entre meufs).

Mon malaise a continué de grandir. Tous les soirs, dans mon lit, je m’imaginais avoir une autre vie, sans trop savoir laquelle, mais une autre vie que celle-là dont je voulais me débarrasser ! Il faut savoir qu’à l’époque, les transidentités n’existaient pas DU TOUT dans mon univers ou celui de mes proches. Ce n’était pas quelque chose de mauvais ou de rejeté, ça n’existait tout simplement pas !

Et puis j’ai commencé à entendre parler « des trans » via des reportages sensationnalistes et aussi par la pornographie « shemale ». J’ai d’abord cru que je fantasmais sexuellement sur les femmes trans. Et j’ai fini par comprendre que ce n’était pas de l’excitation mais bien de l’identification. Je désirais ces corps parce que c’est comme ça que je voulais être, c’était moi. Une fois cette étape d’identification franchie, j’ai tout enterré au fond de moi, je n’en ai même pas parlé à mon amoureuse de l’époque malgré nos 3 ans ensemble. Le mal-être a continué et mon corps me dégoûtait de plus en plus. Petit à petit les interactions « masculines » me mettaient vraiment mal. Mais j’ai appris à faire avec ces émotions et à me construire une vie parallèle et imaginaire, chaque nuit. J’ai même forcé mes caractéristiques « masculines » pour que personne n’ait l’idée de me poser des questions : énorme barbe, fringues « de mec », grosse voix…

C’est bien plus tard, à 28 ans que je commencerai enfin à m’affirmer (voir la partie sur les coming out).

Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
Quand j’ai compris qui j’étais, une femme trans, j’ai eu très très peur d’en parler pour 2 raisons :
– que personne ne me comprenne voire qu’on me regarde comme « un tordu » ;
– qu’on m’explique que moi c’est pas vraiment ça, que je suis pas une « vraie » parce que justement je ne ressens pas ça depuis ma petite enfance, que je n’avais pas les « bons signaux ». Parce que la seule image que j’avais des femmes trans venait de reportages mal foutus et de films X calibrés pour des mecs cis et ça ne collait pas du tout avec moi !Heureusement, d’autres personnes trans (dont des femmes) gravitaient dans mon entourage dans l’association où je travaillais. En voyant et en entendant leurs parcours uniques, leur diversité, j’ai fini par comprendre que j’étais bien qui je me sentais au fond de moi. Peu importe que j’aie un mauvais passing, que je ne sois pas sûre de vouloir prendre des œstros, que même si j’ai eu des relations avec toutes sortes de personnes j’aie surtout des relations poussées avec des femmes et SURTOUT peu importe que je n’aie aucun problème avec mes organes génitaux ! Trouver des pair·e·s, des personnes qui comprennent mon vécu sans avoir tout à fait le même, m’a donné la force de m’affirmer et de trouver pour moi (et pas pour le regard des autres) ce qui me convient dans mon parcours. Le passing n’est pas un ordre de la société auquel les personnes trans doivent répondre, la prise d’hormones n’est pas un label de transitude, les personnes trans non hétéros existent et mon pénis est un pénis de femme !L’important c’est qu’on fasse sortir de sa carapace la personne qu’on a toujours été ! Si ça doit passer par de la chirurgie ou des nouveaux habits, tant mieux ! Si on n’a pas besoin de tout ça, tant mieux ! C’est ton corps, tu te bats déjà intimement avec, pas besoin de l’avis du reste du monde !Cela m’a aussi permis de survivre à cette période difficile où l’on sait qui on est, mais on continue de se cacher. Si c’était à refaire je foncerais voir bien plus tôt l’asso d’entraide de personnes trans et intersexes du coin !
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
1er coming out : l’année de mes 28 ans, mon amoureuse actuelle (qui est une femme cis), au détour d’une soirée beuverie au bar, me demande : au fait, je t’ai jamais demandé mais tu veux qu’on dise quoi pour toi ? Il ou elle ? Et là, je me suis dis que si je ne répondais pas ELLE, je n’aurais jamais d’autre occasion. Je lui ait répondu que moi c’était plutôt elle. Et voilà, je venais de faire ma première sortie du placard ! Elle a commencé à me genrer comme il faut presque immédiatement et à le dire (avec mon accord !) à nos ami·e·s commun·e·s. Pendant ce temps, moi j’écumais les forums et les sites dédiés (comme celui-là ;)) pour blinder mon argumentaire et parer aux questions gênantes. Malgré des erreurs, mes ami·e·s ont vite compris et se sont adapté·e·s, dans mes espaces privés je pouvais arrêter de me cacher.

2e et 3e comings out : quelques mois plus tard, il est vite devenu insupportable de me retrouver en famille. Retourner au placard à chaque fois était de moins en moins possible pour moi. J’ai commencé par écrire un texte, j’ai invité ma sœur et mon frère et je leur ai lu. Les deux ont plutôt bien accueilli la nouvelle, même si ma sœur m’a dit ne pas pouvoir m’imaginer en robe et mon frère m’a fait douter parce que je n’avais rien montré dans l’enfance. Cependant iels ont été très soutenant·e·s quand j’ai relu le même texte à mes parents quelques jours plus tard. Il y a eu des larmes mais mes parents me répétaient en boucle que si c’était ce que je voulais, c’était suffisant pour me soutenir. J’ai continué à les voir régulièrement, augmentant petit à petit les touches « féminines » (bijoux, vêtements, maquillage, coiffure…). Ensuite il y a eu des moments durs où ma mère continuait à m’appeler par mon deadname [prénom de naissance] et me reprochait de l’engueuler, que c’était beaucoup d’efforts pour elle. J’ai fini par faire une crise d’angoisse devant elle et je crois qu’à ce moment elle a réellement saisi que ce n’était pas « un caprice ». Parfois les proches ne voient pas que si pour elleux la colline est dure à monter, nous c’est l’Everest qu’on est en train de gravir quand on sort de notre placard ! (Métaphore qui a eu beaucoup de sens pour ma mère, aujourd’hui elle est super !)

Tout le long de ma transition sociale, j’ai utilisé la stratégie des potes : je demandais à mes ami·e·s de parler de moi en tant que femme et que si des gens se questionnaient, iels me les envoyaient pour discuter. Et s’il y avait de l’hostilité, iels me prévenaient pour que je décide si j’allais être pédago ou envoyer chier la personne.

Autre astuce : il n’est pas du tout facile d’être soi-même constamment dans la patience et l’explication. Moi j’ai directement orienté mes proches vers un groupe d’écoute de proches de personnes trans.

Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidée durant votre transition.
  • Mon amoureuse qui n’a pas hésité à vider sa garde-robe pour moi, à faire bodygard quand je sortais dans le grand monde avec mes vêtements « de fille », à me pousser à travers la porte d’associations d’entraide communautaire <3
  • Mes potes qui ont passé à ma place de longues heures de discussion avec des personnes qui s’interrogeaient, à reprendre les personnes qui me mégenraient, à me dire que j’étais belle quand moi-même je ne pouvais pas me voir dans le miroir <3
  • Mes parents, ma sœur et mon frère qui malgré des moments difficiles ont su s’ouvrir à un monde qui n’existait (presque) pas pour elleux peu de temps avant <3

Je suis consciente de ma chance, que famille, ami·e·s et amours soient aussi aidant·e·s. Cependant, ça ne devrait pas être l’exception ! Et parfois, j’ai dû abandonner des amitiés devenues toxiques pour pouvoir avancer et être moi-même. Il faut parfois en passer par là et bien que la rupture soit toujours douloureuse, des gens qui t’aiment mais n’acceptent pas qui tu es ne t’aiment pas vraiment. Parfois il faut aussi se recréer une famille, s’entourer de personnes pour qui il n’y a pas de doute sur qui tu es. Les doutes, on en a assez sous le crâne pour faire sans ceux des autres.

Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
Aujourd’hui, je ne me cache plus et c’est en tant que femme que j’évolue dans les sphères publique et privée. Depuis que j’ai enfin affirmé au monde que oui, j’étais bien une femme, je suis bien plus apaisée. Bien sûr, il y a toujours des moments durs, la transphobie n’a pas disparu. Mais ces instants de violence ne font pas le poids face à ma joie d’être moi ! Je ne me suis jamais sentie aussi accomplie que depuis mes coming out.

Évidemment, je ne suis pas tout à fait celle que je voyais en m’endormant adolescente. Mais quand je me vois, je vois une femme, la personne que je suis et que j’ai toujours été.

Je continue d’avancer, pas à pas, à mon rythme. Les hormones sont là depuis maintenant 6 mois et mon prénom a une existence administrative. Chaque étape se fait (ou ne se fait pas) au fil du temps et de mes réflexions. Je prends bien soin que les choses se fassent parce que je le veux et non par « pression sociale ».

Racontez un moment très fort de votre transition.
Un moment fort, la première (et pas la dernière…) agression que j’ai subie. Même si on parle ici de violence (verbale), ce qui a suivi m’a donné confiance et force que je pouvais surmonter tout ça. Finalement, ce n’est pas moi qui suis dans l’erreur. Au contraire ! Je n’ai jamais été aussi proche de la vérité sur qui je suis !

Je mets ici le lien vers une planche de BD faite à partir de mon témoignage de cette agression (la mienne s’appelle FORMATION)
/!\ ATTENTION si tu lis les autres BD du Tumblr, la mienne est une des plus soft et positives /!\ https://reconnaitrans.tumblr.com/page/2

Un conseil à donner à une personne trans qui voudrait se lancer ?
Tu auras besoin de quelqu’un à qui parler de ce que tu vis. Si tu ne vois pas de proche de confiance avec qui parler, n’hésite pas à chercher des groupes d’entraide de personnes trans près de chez toi ou en ligne. Avoir des personnes qui comprennent – ou au moins veulent comprendre – ce que tu vis est très important.

Il n’y a pas d’« étapes obligatoires » pour être une « bonne » personne trans. Ce que tu feras de ton corps, tu dois le faire pour toi. Les coming out que tu feras (ou pas), tu dois les faire pour toi. L’important, c’est que toi tu ressentes le bonheur intense d’être toi-même !

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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