Témoignage

Elias, homme trans de 22 ans

Présentez-vous en quelques mots.
J’ai 22 ans, je suis étudiant en alternance dans l’industrie. Je vis avec ma compagne et le chat que nous avons adopté ensemble, c’est ma petite famille, celle que j’ai choisie et construite !
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
J’ai découvert la transidentité lorsque j’étais au collège, mais j’ai refusé en bloc le fait de l’être moi-même. J’enviais les youtubeurs que je suivais, qui transitionnaient médicalement, mais j’ai tout nié, jusqu’en L3. Après 3 ans de fac, j’ai eu une année difficile en L3, je remettais en question mes études, toute ma vie en général, et ma santé ne suivait plus. J’ai rencontré ma compagne actuelle qui m’a énormément aidé en me genrant au masculin, en suivant mon rythme et sans jugement. Face à ma situation scolaire, n’ayant pas eu ma L3 aux rattrapages, j’ai décidé de tenter le tout pour le tout. Je me suis réorienté en filière professionnelle en alternance pour m’assurer un revenu, j’ai changé de ville, le but était de prendre un nouveau départ. Je regrette aujourd’hui la façon dont j’ai quitté la ville de mes études car je n’ai pas forcément expliqué les tenants et aboutissants à mes amis de fac, seuls les plus proches sont restés et je comprends que les autres n’aient pas gardé contact. Je me suis en quelque sorte coupé du monde car j’avais l’impression que personne ne comprenait ma situation. Ma famille a globalement très mal réagi, plus d’un an et demi plus tard j’ai toujours très peu de contact avec eux et nos rapports sont relativement toxiques pour moi. J’ai la chance d’avoir une belle-mère qui me considère comme son fils, qui a pris soin de moi après ma mammectomie, qui s’inquiète pour moi. J’ai également eu de la chance, car l’IUT a accepté directement d’utiliser mon prénom d’usage, et j’ai pu dès mon entretien d’embauche signifier ma transidentité : mon ancienne RH a été très compréhensive et j’ai pu être intégré en tant qu’homme auprès des opérateurs et de mes collègues. Ils ont veillé durant l’année à ce que je ne subisse pas de discrimination, et j’ai pu les aider en leur fournissant la brochure Wiki Trans car j’étais leur premier employé effectuant une transition.
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
Ma plus grande crainte a été l’annonce à ma famille, et malheureusement elle s’est concrétisée. Le « cliché » des parents qui estiment que leur enfant est mort n’était finalement pas un cliché, ma mère m’a notamment signifié que je n’étais plus son enfant, que j’avais tué sa fille, etc. Mon plus gros blocage était moi-même, puisque j’ai pris conscience une première fois que j’étais un homme transgenre lorsque j’étais au collège. Mais les difficultés de transition, et surtout l’impression que tout ne serait qu’une illusion (puisque je ne serais jamais un homme cis) m’ont amené à me plonger dans un déni profond. J’ai eu beau leur expliquer cela, ma famille reste persuadée que je ne lui ai pas dit car je ne lui fais pas confiance, que je l’ai trahie, etc. J’ai dû faire face à beaucoup de violence de leur part, et le soutien de ma belle-famille a été une ressource nécessaire.
Concernant la dysphorie, j’ai beaucoup communiqué avec ma compagne, elle a même masqué tous les miroirs de notre précédent appartement car la vision de mon corps me provoquait des crises de dysphorie intenses. Je prenais mes douches dans le noir ou la pénombre pour ne pas voir mon corps. J’ai rapidement investi dans un binder et un packer, ma compagne m’avait offert des caleçons. Je crois que ma seule technique pour « combattre » la dysphorie passe par mes vêtements.
Comment se sont déroulés vos coming out ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
J’ai réalisé mon coming out à mes parents et ma sœur en leur écrivant des poèmes. Ma sœur jumelle ne m’a plus parlé pendant 1 mois ; elle m’en a énormément voulu de ne lui en avoir jamais parlé, la sincérité étant tacite entre nous. Là encore, le fait d’être mon propre blocage n’a pas été écouté. Aujourd’hui, nous ne nous voyons plus, et avons encore quelques échanges de temps en temps. Elle me manque énormément. Concernant mes parents, ma mère a annoncé vouloir se suicider car pour elle je tuais sa fille en réalisant une transition ; mon père a estimé que j’avais bafoué leur confiance et que je n’étais plus digne de confiance. Il y a eu des entretiens familiaux avec un psychiatre, un psychologue ; cela n’a pas franchement fait évoluer la situation, le dialogue n’étant pas encore possible avec eux tant ils sont dans le ressenti. J’espère que cela s’améliorera un jour, et qu’ils cesseront un jour de me mégenrer et de m’appeler par mon prénom de naissance. J’ai fait des erreurs durant ces coming out mais cela reste un réel traumatisme.
Auprès de ma belle-famille, cela s’est très bien passé. Idem avec mes grands-parents, qui pourtant étaient très conservateurs. Ma grand-mère ayant l’habitude de regarder Plus belle la vie, elle a su ce que j’allais traverser lorsque je lui ai annoncé et elle m’a soutenue.
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidé durant votre transition.
Ma compagne a été ma première supporter et l’a toujours été. Que ce soit pour me consoler lorsque j’étais en pleurs après des interactions avec mes parents, ou pour m’extasier quand un commerçant me genre au masculin, elle m’a toujours soutenu et je ne sais pas si j’aurais réussi sans son soutien.
Le soutien de ma belle-mère a été quelque chose d’important pour moi. Elle a toujours été présente, étant heureuse pour moi durant les étapes clés de ma transition, participant à mon pot commun, m’accueillant chez elle pour ma convalescence post-mammectomie ou encore en écrivant des témoignages pour mon CEC. C’est une maman de substitution et c’est plus qu’important pour moi d’avoir pu retrouver un semblant de cellule familiale auprès d’eux.
Les réseaux sociaux ont été une ressource énorme : grâce à Twitter, j’ai pu discuter et nouer des amitiés avec des personnes dans ma situation, en échangeant sur les situations similaires que nous vivions. J’ai pu exprimer mon identité, mes états d’âme, trouver un soutien inestimable auprès d’eux.
Sans tout ce soutien, je ne sais pas si j’en serais là aujourd’hui. Malgré toute la force que j’ai en moi, je n’aurais peut-être pas réussi sans eux.
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
Ma transition se passe plutôt bien je suppose, puisque j’ai effectué une partie des étapes que je voulais. Bien que je ne sois pas satisfait pour l’instant des résultats (pilosité faciale, voix, résultats de la mammectomie) malgré 1 an d’hormones, je dirais à quiconque lit ça que ça vaut le coup : pour moi, mieux vaut souffrir en étant vrai avec soi-même et les autres, plutôt que souffrir en voulant répondre aux attentes de la société et de nos proches.
Et si c’est un parent qui lit ceci : votre enfant n’est pas mort. Votre enfant souffre probablement. Votre enfant a besoin d’être valorisé, aimé, entouré, tel que n’importe quel autre enfant. Et vous n’êtes pas seul.
Plus globalement : il y aura toujours des gens pour vous juger. Je sais que j’étais (et suis toujours) admiratif des personnes qui sont out, qui réalisent leurs rêves. Je suis sûr que je ne suis pas le seul. Alors j’ai décidé de passer du côté de ceux que j’admirais, plutôt que rester du côté des admirateurs.
Racontez un moment très fort de votre transition.
Le moment le plus fort pour moi fut ma convalescence post-mammectomie. Le contexte avec mes parents faisait que j’étais sensible à l’attention familiale. J’ai pu aller chez ma belle-mère durant ma deuxième semaine post-op, à la campagne. Il faisait beau, le soleil était présent, le printemps arrivait, ma belle-mère prenait soin de moi, ce fut une réelle renaissance d’être choyé comme cela, de pouvoir me ressourcer au chant des oiseaux, réchauffer mon âme au soleil printanier.
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
N’hésite pas à demander de l’aide. Proches, personnes sur les réseaux, dans les associations, professionnels : tu n’es pas seul·e, tu ne mérites pas d’être malmené·e pour ta transidentité. Tu as le droit d’aller mal, d’être aidé·e, d’être entouré·e. Tu as le droit d’être malheureux·se, de douter, d’hésiter, de souffrir, d’être insatisfait·e, mais tu as avant tout le droit d’être heureux·se. Peu importe ton âge il n’est jamais trop tard pour te lancer. Sois toi-même ❤

Témoignage rédigé dans le cadre d’une publication pour Wiki Trans. Toute copie est interdite. Merci de respecter ces témoignages.

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