Je suis en début de transition.
Présentez-vous en quelques mots
J’ai 18 ans, 19 dans 4/5 mois. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai passé le BAC depuis une semaine. Je pars à l’université en septembre pour étudier le japonais (en LLCE à Lille). Une fois là-bas, je compte prendre quelques rendez-vous pour commencer les hormones le plus vite possible.
Racontez votre parcours jusqu’à comprendre que vous étiez trans. Comment l’avez-vous compris ?
Je ne me suis jamais vraiment identifiée aux autres garçons, bien que pendant un bon bout de temps, j’ignorais ce que ça signifiait. À l’école primaire, je préférais lire plutôt que de jouer au foot comme beaucoup.
Mais je n’étais pas la seule non plus, donc je ne m’en suis pas plus préoccupée que ça. Il ne s’est pas passé grand chose au collège, ce n’est qu’au lycée que les choses se sont précipitées. J’ai commencée à lire des mangas slice of life/romance, puis spécifiquement du yuri. Finalement, après avoir jouée à Life is Strange: Before the Storm, je me suis renseignée pour savoir si, née homme, je pouvais être lesbienne, et c’est comme ça que je suis tombée sur le mot « trans ».
Ça m’a pris à peu près trois ans pour mettre un mot sur mon besoin d’être une fille, à l’extérieur, du moins. Car c’était déjà le cas à l’intérieur.
Quelles ont été vos inquiétudes ? Comment les avez vous surmontées ?
En ce qui concerne la transition en elle-même, je ne m’inquiète pas tant que ça. Bien sûr, j’adorerais pouvoir me fondre dans la masse, mais même si cela ne se peut pas, ce sera toujours mieux que de continuer à vivre en tant qu’homme.
Non, ce qui m’inquiète le plus serait l’appréhension face à l’avenir politique. Je ne sais pas si ce qui m’attend dans l’avenir est bon ou pas, mais encore une fois, ce n’est pas cela qui va m’empêcher d’être moi-même.
Pour ce qui est de la dysphorie, je me suis rasée entièrement, je me suis laissée pousser les cheveux, au point que je peux désormais les attacher en arrière, et je ne me suis pas regardée dans un miroir pendant trois mois avant de me rendre compte que mon visage n’est pas le plus masculin qui soit. Depuis, me regarder droit dans les yeux m’aide plus qu’autre chose.
Comment se sont déroulés vos coming-outs ? Si vous ne l’avez pas (encore) fait, pourquoi ?
Je l’ai dit à ma mère deux semaines après avoir découvert que j’étais trans. Elle n’eut aucun problème avec ça, et fut même flattée que je lui en parle en premier.
J’ai abordé le sujet avec mon père une semaine plus tard. Lui aussi n’y voit aucun problème. Il semble un peu moins enthousiaste que ma mère, mais je suppose que c’est parce que cela lui parait plus étranger qu’à elle. Mais du moment que je suis heureuse, il est pour.
Mes amis, au lycée, sont tombés sur une note à ce sujet que j’avais faite dans mon agenda. Ils furent surpris, mais très enthousiastes. J’ai de la chance de les avoir.
Racontez quelles sont les personnes qui vous ont aidées durant votre transition.
Une amie, « L », était si enthousiaste qu’elle m’a proposé de me passer des bandes de cire qu’elle avait en rab’. Après les avoir utilisées, elle est allée m’en acheter d’autres, ainsi qu’une pince à épiler. Elle se surnomme pour plaisanter ma « fournisseuse ». Merci, si tu lis ça (on ne sait jamais).
Et tous les autres m’appellent Chloe sans trop se tromper, parlent de moi au féminin quand ils peuvent… je leur en suis très reconnaissante.
Comment se passe votre transition ? Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce le résultat auquel vous vous attendiez ?
Trop tôt pour en parler 😉
Racontez un moment très fort de votre transition
Il y a quelques mois, j’étais en train de me raser dans ma chambre. J’étais obligée de taper mon rasoir (jetable) contre une étagère pour le nettoyer un peu. Mon beau-père, au rez-de-chaussée, a entendu les bruits, et a cru que j’utilisais un marteau pour planter des trucs.
Il est monté, a essayé d’ouvrir la porte (je m’étais mise devant, au cas où quelque chose comme ça arrivait) en me demandant ce que je foutais avec un marteau. Constatant que je ne pouvais pas lui donner d’explication (Il n’est pas au courant que je suis une fille) et que je bloquais toujours la porte (j’étais à moitié nue, et à moitié rasée), il a poussé plus fort pour entrer de force. Finalement, assez énervé, il a renoncé et est redescendu.
C’est d’ailleurs après avoir raconté cette histoire à L qu’elle m’a proposée ses bandelettes de cire. Finalement, mon beau-père est venu s’excuser. Il pensait que j’étais en train d’abîmer le mur ou un truc du genre. Il s’est rendu compte après coup qu’il avait touché à mon intimité, et est venu s’excuser.
Ça m’a sacrément secouée sur le coup, mais je ne lui en veux pas ; il est très impulsif, mais jamais il n’aurait fait ça s’il avait eu connaissance de tout le contexte. Et ce genre de choses ne sont plus jamais arrivées depuis.
Un conseil à donner pour une personne trans qui voudrait se lancer ?
Ne vous demandez pas si vous devriez vous lancer ou pas, retournez plutôt la question : est-ce que vous pouvez continuer à vivre comme ça ?
La réponse vient plus facilement de cette façon.